En 1897, Edmond Rostand (1868-1918) s'empare du personnage historique pour en faire un héros baroque et romantique, dans une comédie héroïque en cinq actes et en alexandrins. C'est le brillant acteur Coquelin qui crée le rôle du personnage éponyme. Ce drame historique met en scène un personnage héroïque et spirituel mais affublé d'un nez disproportionné qui l'enlaidit et le condamne à un amour impossible pour la belle précieuse Roxane, elle-même éprise de Christian, un jeune mousquetaire la moustache fine" totalement dépourvu d'esprit. Décidé à pousser le sacrifice jusqu'au sublime, Cyrano aide Christian à conquérir la jeune femme, et garde le silence sur ses sentiments, se résolvant à l'aveu malgré lui au moment de mourir. Esprit libre, "empanaché d'indépendance et de franchise", oscillant entre l'idéal de l'honnête homme et celui de l'héroïsme cornélien, Cyrano est à la fois l'héritier enthousiasmant des vertus de la chevalerie française, et le modèle du sacrifice généreux. Mais Cyrano est aussi un poète et un homme de théâtre, plein de "fierté, d'envol, de lyrisme, de pittoresque, d'étincelle, de somptuosité". Capable d'improviser avec brio une ballade, ou de retarder le Comte de Guiche par un jeu de masques doublé d'une volubilité délirante, il introduit aussi le théâtre dans le théâtre en "jouant" à la place de Christian la scène de séduction sous le balcon de Roxane.