Dans Mousquetaire de Richelieu, Cyrano se situe d'emblée sous le signe de "l'illusion comique" par une entrée en scène des plus surprenantes. Statue qui s'anime, l'œuvre devient homme, à l'inverse de la logique et de la réalité. Puis, dans un tourbillon gestuel et verbal plein de verve et d'élégance, il effectue une traversée de scène fugace mais exubérante. Par sa poésie et sa truculence, sa tirade pastiche les morceaux de bravoure du personnage de Rostand. Les octosyllabes lui confèrent, par opposition avec les alexandrins solennels du présentateur, dynamisme et légèreté, en écho à La Chanson des Cadets ou à La Ballade du Duel composée "Hop ! À l'improvisade". Cyrano y récuse avec véhémence le statut banal de Monsieur de Bergerac, et revendique avec fierté le titre d'œuvre et d'emblème. Il intervient plus tard aux côtés des mousquetaires pour secourir Bouton d'Or, écrasé sous le nombre des assaillants. Son regret de n'avoir à affronter qu'une dizaine d'adversaires rappelle le combat de la Porte de Nesle chez Rostand (à un contre cent). La jubilation qu'il éprouve à se "dégourdir" l'épée fait directement allusion à son Duel avec le Vicomte. Personnage spectaculaire et pleinement conscient de sa théâtralité, Cyrano parvient dans Mousquetaire de Richelieu à fondre imaginaire et réalité, dans une mise en abyme vertigineuse qui renouvelle l'esprit baroque du Grand Siècle.