Lors de votre visite dans les entrailles du "Château Renaissance du Puy du Fou", vous passerez dans la crypte où des gisants reposent. Deux gisants se tenant la main, nous interpellent et pour les passionnés d’histoire, nous font penser aux "Amoureux de Teruel", Isabel de Segura (1197-1217) et Diego Marcilla… les Roméo et Juliette du roman de William Shakespeare. Mais qui sont les "Amoureux de Teruel" en Espagne ? Il s’agit de la plus belle histoire jamais racontée d’un amour infini qui perdure depuis plus de 800 ans. Les Amants de Teruel sont deux personnages légendaires, Diego de Marcilla et Isabel de Segura, morts en 1217. Diego Marcilla et Isabella de Segura s’aimaient depuis l’enfance malgré la différence sociale des deux familles. Isabel venait d’une famille riche alors que Diego venait d’une famille noble mais désargentée. Malgré tout, le jeune homme décide de demander la permission d’épouser la jeune femme au père de cette dernière. Mais le père ne veut pas que sa fille épouse quelqu’un sans avenir et ce dernier lui préférant un autre jeune homme de meilleure famille nommé Azagra. Certes, Diego est incontestablement noble, mais aussi le cadet de la famille et à l’époque, seul l’ainé recevait titres et fortune. Cependant, le père de la jeune fille lui accorda un délai de cinq années pour qu’il puisse revenir riche et digne d’épouser son amour. Diego déclare à Isabel qu’il est prêt à aller chercher fortune n’importe pour se rendre digne du mariage, à condition qu’elle l’attende cinq ans. Elle le lui promet. À l’époque, la meilleure façon de s’enrichir était de partir à la guerre. C’est ce que Diego décide de faire. Il s’engage alors dans les troupes chrétiennes de Pedro II d’Aragon, en lutte contre les musulmans qui occupaient l’Espagne. Il participe d’ailleurs à la célèbre bataille de Navas de Tolosa en 1212, l’une des batailles décisives de la Reconquête, que les chrétiens ont remportée sur les musulmans. Pendant ce temps, Isabel est harcelée par son père pour prendre un mari. Elle réussit à retarder les épousailles, au moyen de divers stratagèmes tout en voulant honorer sa promesse d’attendre Diego pendant les 5 ans. Puis un jour, un soldat, de retour de la bataille de Muret quelque kilomètre de Toulouse), raconte avoir vu Diego mourir sous ses yeux en combattant les Maures aux côtés des Cathares. Ce soldat, (les mauvaises langues parlent d’un soldat français) aurait apparemment été soudoyé par la famille Segura qui voulait marier sa fille au plus vite… En 1217, à l’expiration des cinq années, Diego n’étant pas revenu, le père d’Isabella l’obligea à épouser Pedro de Azagra, fils du Seigneur d’Albarracin. Au bout des cinq ans, riche et victorieux, Diego arrive à Teruel pressé de revoir et de demander la main de sa bien-aimée. C’est alors qu’il apprend que le son des cloches, la musique et les cris de joie des villageois sont pour un mariage, celui d’Isabel de Segura avec Pedro de Azagra. Diego ayant tenu sa promesse, fou de rage et de désespoir, se faufile dans la chambre du jeune couple et réveille Isabel en la suppliant de l’embrasser, comme dernière preuve d’amour car il était convaincu qu’il allait mourir de douleur. Ce baiser qu’il avait tant désiré pendant les longues et dures années de batailles. Bien qu’Isabella folle amoureuse de Diego, elle ne cède pas. Etant à présent mariée et ne veut pas offenser son mari, le lui refusa car si Dieu ne voulait pas de leur union, alors elle ne pouvait même pas lui donner un baiser. Juan la pria de nouveau, mais elle refusa encore et c’est là qu’il tomba au sol et qu’il meurt, à la grande surprise de la jeune mariée. Les époux emmenèrent secrètement le corps dans la maison de leur père et celui-ci lui offrit des funérailles solennelles dans l’église de San Pedro. Le lendemain, Isabel, accablée par le chagrin d’avoir perdu son grand amour, rentra dans l’église San Pedro se déroulaient les funérailles de Diego, elle s’approche alors du corps de son bien-aimé, soulève le linceul, s’allonge sur son corps et l’embrasse intensément lui donnant le baiser qu’elle lui avait refusé de son vivant. Lorsqu’une personne de l’assistance voulut la relever, elle ne put que constater que son cœur lâché à son tour et qu’elle aussi avait expiré dans cette suprême étreinte. Et c’est alors que… les deux familles effondrées, réconciliées par le drame, et le mari d’Isabel pour un jour, Pedro de Azagra, au cœur noble, sont tellement touchés par cette histoire d’amour, qu’ils décident de les enterrer ensemble côte à côte pour qu’ils ne soient plus jamais séparés. Et depuis lors, l’histoire les connaît comme les "Amoureux de Teruel". En 1555, au cours de travaux réalisés sous la chapelle du cloître San Pedro à Teruel, furent retrouvés les corps momifiés d’un jeune homme et d’une jeune fille que la rumeur populaire attribua immédiatement à ceux de Diego et d’Isabella. C’est ainsi que commença la Légende des Amants de Teruel. En 1578, les corps furent transférés dans la chapelle des saints Côme et Damien. Dès 1619, le notaire Yagüe de Salas et Juan Hernández font paraître un document intitulé "Histoire des Amants de Teruel" qui confirme une tradition orale et écrite antérieure, faisant référence à certains événements tragiques survenus en 1217, affirmant qu’Isabel avait vingt ans lorsqu’elle s’est mariée et est décédée. L’auteur du document s’est sans doute inspiré d’une tradition antérieure, avec de nombreux éléments cohérents avec l’époque en termes de personnages et de familles, de situations dans leurs foyers et de dates d’événements ; les traditions et les récits se multiplient avec la découverte des momies attribuées aux amoureux. En 1635, le dramaturge Tisso de Molina en fit une pièce de théâtre qui fut reprise en 1837 par Juan Hartzenbuch dans le goût romantique de son époque. En 1889 Tomas Breton écrivit un opéra sur ce sujet. 1962, en France, Raymond Rouleau en fit un film et Edith Piaf une sublime chanson. Isabel et Diego reposent dans un magnifique mausolée construit en 1955 par Juan de Ávalos y Taborda (1911 – 2006), rattaché à l’église de San Pedro où on les avait retrouvés. Depuis 1578, des centaines de milliers de visiteurs du monde entier viennent leur rendre hommage chaque année. Et pour célébrer le quatrième centenaire de la découverte des deux corps, le sculpteur Juan de Ávalos commença à travailler à des sculptures qui conservent encore la position poignante des corps retrouvés dont les mains ne se touchent jamais, comme symbole d’un amour inachevé. Les gisants de Turuel sont en albâtres et placées sous une voûte peinte de rinceaux dorés et blancs sur fond noir, avec un lanternon en trompe-l’œil. Les deux momies reposent dans les socles de marbre ajouré, soutenus par un ange de bronze pour Isabella et un lion pour Diego. Le monde hispanophone connaît bien leur histoire grâce aux nombreuses sculptures, peintures et œuvres littéraires à leur sujet. Tout le monde a probablement lu Roméo et Juliette de Shakespeare au lycée, mais peu connaissent l’histoire vraie ayant servi d’inspiration à l’auteur. Comme beaucoup de villes européennes, Teruel revendique être le berceau de l’histoire de ces amants. Et si un jour, vous êtes de passage en Espagne, on vous jurera que Shakespeare a basé son histoire sur un couple habitant la ville. Mais, les histoires d’amants, dans le sens premier d’amoureux, qui ne se retrouvent dans la mort sont fréquentes dans les traditions populaires : - Tristan et Yseut en Armorique. – Roméo et Juliette en Italie. – Inès de Castro et Pedro 1 au Portugal. – Devdas et Parvoti en Inde.