Lorsque
j'entends
le
marchand
de
quenouille
au
Puy
du
Fou,
je
me
remémore
les
déplacements effectués tous les jours par les gens des mon village.
Autrefois,
pour
se
déplacer,
on
ne
connaissait
que
la
marche
à
pied
dans
ce
grand
pays dont la route est le sentier.
Et je me revois encore sur le chemin de l'école.
Avec
mes
frères
et
mes
sœurs,
je
partais
de
bonne
heure,
enveloppé
en
hiver
de
mon
capuchon épais souvent encore humide de la veille.
La route me paraissait longue.
Des
enfants
du
voisinage
venaient
nous
rejoindre
et
mes
petites
jambes
ne
pouvaient
pas toujours suivre la bande.
Très jeune, mes parents m'avaient gardé pour aller travailler.
Dès ma 12ème année, j'étais "gagé" chez un métayer.
Celui-ci m'avait jugé solide pour mon âge :
"Plus tard, il devrait faire un bon valet !"
...avait-il dit à mon père.
Depuis le lever du jour, j'étais sur pied.
Je
conduisais
les
bêtes
aux
champs,
je
suivais
la
charrue
dans
les
longs
sillons,
j'amenais
à
la
ferme
des
lourdes
charrettes
de
foin
ou
de
gerbes
de
blé
sous
les
plus
grandes chaleurs d'été.
Le soir, je me couchais souvent épuisé de fatigue.
Le
dimanche
matin,
je
retrouvais
ma
famille
quand
elle
s'apprêtait
à
se
rendre
au
bourg assister à la grand'messe.
Les
habitants
de
la
campagne
avaient
l'habitude
de
prendre
leur
repas
dans
les
maisons "attitrés" du bourg.
D'autres
faisaient
4
ou
5
kilomètres
pour
aller
déjeuner
dans
leur
ferme
et
revenir
aux Vêpres.
Je restais finir la soirée avec des jeunes de mon âge.
De retour à la maison, je changeais de vêtements.
Il fallait rejoindre la métairie.
J'avais
toujours
le
cœur
gros
en
partant,
car
j'appréhendais
la
traversée
d'un
petit
bois, seul sur la route la nuit tombante.
Je ne devais attendre personne pour mes déplacements.
On ne sortaient les voiture que pour les grandes occasions.
Elles étaient réservées aux personnes âgées qui avaient des difficultés pour marcher.
Les veillées et les visites dans les fermes voisines venaient rompre la monotonie.
Pour s'y rendre, on prenait des raccourcis.
Mais on devait escalader les clôtures, sauter les échaliers à travers d'épais fourrés.
Je me souviens des pèlerinages que des gens pieux organisaient chaque année.
Je
les
voyais
partir
en
groupes
joyeux
vers
le
tombeau
du
Père
de
Monfort
ou
vers
d'autres
lieux
vénérés
souvent
lointains,
nécessitant
parfois
plusieurs
jours
de
marche.
Et que dire des jours de foires ou de marchés !
Quel encombrement sur les routes !
On voyait les gens s'acheminer vers la ville.
Les
hommes
coiffés
du
traditionnel
chapeau,
vêtus
d'une
large
blouse
discutaient
en
marchant, s'appuyant sur leur bâton, inséparable compagnon de voyage.
Les
femmes,
les
deux
bras
chargés
de
lourds
paniers,
avaient
hâte
d'arriver
pour
se
défaire
de
leurs
denrées.
Je
ne
connaissais
que
les
foires
"gageries"
de
la
Saint-Jean
et de la Saint-Michel.
Toute
la
journée,
indifférent
aux
ébats
des
vendeurs
et
des
acheteurs,
dans
la
foule
qui
se
pressait
un
peu
partout,
je
recherchais
les
garçons,
valets
de
ferme
comme
moi.
Sur le chemin de retour, je rencontrais les "toucheurs de bœufs" infatigables.
Debout
depuis
le
petit
matin,
ils
devaient
marcher
encore
toute
la
nuit
derrière
les
bêtes qu'ils allaient "livrer" aux acheteurs.
Je
me
souviens
aussi
des
compagnons
du
village
qui
venaient
souvent
effectuer
de
petits travaux aux bâtiments de la ferme.
Ils
arrivaient
un
petit
sac
sur
le
dos
contenant
leurs
outils
et
leur
nourriture
pour
la
journée.
Parfois,
je
voyais
"les
grands
coureurs
du
temps",
ces
marchands
de
toutes
sortes
et
les vagabonds qui venaient nous surprendre.
Et chacun pouvait redire comme le marchand de quenouilles :
"Dès que la lumière me fait signe,
La nuit arrête mon chemin.
Pour une soupe et pour la veillée,
La porte s'ouvre à l'amitié".
Jacques Maupillier (Garde)