Mon petit, c’est la guerre qui recommence, la débâcle, les familles qui courent sous les bombes.... Ce sont les enfants des Ardennes, ils ont tout perdu tu sais. Aller va les accueillir "Ô terre de détresse où nous devons sans cesse piocher, piocher". J’écris ton nom : Liberté Loin dans l'infini s'étendent. De grands prés marécageux Pas un seul oiseau ne chante Sur les arbres secs et creux Refrain Oh! Terre de détresse Où nous devons sans cesse Piocher. Dans ce camp morne et sauvage Entouré d'un mur de fer Il nous semble vivre en cage Au milieu d'un grand désert. Au refrain Bruit des pas et bruit des armes Sentinelles jours et nuits Et du sang, des cris, des larmes La mort pour celui qui fuit. Au refrain Mais un jour dans notre vie Le printemps refleurira Liberté, Liberté chérie Je dirai: Tu es à moi. Dernier refrain Oh! Terre enfin libre Où nous pourrons revivre (bis) Aimer - Aimer
Le plus connu des chants nés dans le système concentrationnaire nazi. Il est devenu le chant international des déportés. Adaptation en français d'un chant allemand, il a été traduit et adapté par les déportés dans différentes langues. C’est alors qu’il connut des variantes dans les paroles et les adaptations musicales. Le Chant des marais a été écrit en juillet–août 1933 par des prisonniers allemands antinazis au camp de Börgermoor en Basse Saxe. Dés son arrivée au pouvoir Hitler met en place des camps de concentration pour interner les opposants politiques du nouveau régime. Les militants communistes puis socialistes sont les premières cibles de la répression, puis tous ceux qui s’opposent pour des raisons politiques ou par convictions religieuses à l’idéologie nazie. Il ne s’agit pas encore de camps d’extermination tels qu’ils se développeront pendant la Guerre. C’est par exemple la création de Dachau ou encore du camp de Borgemoor où la chanson d’aujourd’hui trouvera naissance. Le travail, éreintant, consistait à assécher les marais voisins pour augmenter la production de blé. Les 1ers camps de concentration sont ouverts dès mars 1933, parfois dans des lieux improbables et plus ou moins provisoires. Ils sont dirigés par les SA ou la naissante Gestapo. Leur règlement intérieur est inspiré des prisons. Ces camps fermeront entre fin 1933 et 1934, ou seront réaffectés à d’autres détenus (Droit Commun), avant de connaître des destins divers. La musique et les chants font partie du quotidien des détenus des camps, puisque les gardiens les obligent à chanter des chants nazis et des chansons traditionnelles allemandes lorsqu’ils partent au travail, et lors des appels et prennent ensuite ce prétexte pour frapper. Dans d’autres camps, dans les grands camps, la musique sera instrumentalisée par les chefs des camps, qui créent des orchestres composés d’internés, orchestres qui jouent dans les plus tragiques circonstances. En août 1933, suite à des violences répétées, quelques détenus de Börgermoor décident de composer leur propre chant. Mis au repos à l’infirmerie, ayant récupéré une guitare, Johann Esser en compose les paroles. Pendant longtemps les auteurs de ce chant nous furent inconnus, mais dans un bulletin d’avril 1977, l’Amicale de Mauthausen indique que ce chant est au camp de Bögermoor en juillet-août 1933. Parmi les premiers déportés du régime, Johann Esser, un mineur et auteur de poèmes dans un journal engagé, Wolgang Langhoff, un acteur et Rudi Goguel à Strasbourg , un employé, composera la musique, sont les auteurs du "Chant des marais". Tous les trois étaient membres du KPD, le parti communiste allemand. En Allemagne, le chant passe de camp en camp et sera même repris par des détenus du camp d’extermination d’Auschwitz. Exporté en Angleterre par des ex-détenus exilés du camp de Borgermoor. Comment cette chanson est-elle connue ? Après répétition dans les lavabos de la baraque 8, la chanson est chantée, le 27 août 1933, lors d’un moment récréatif accordé par la direction du camp aux détenus. Ceux-ci l’intitulent le "Konzentrazani", par analogie, hommage et dérision avec un cirque alors très connu en Allemagne, le cirque Sarrasini. La chanson est chantée par 16 hommes, dans leur tenue verte. Il est repris en chœur par les internés… et par certains gardes, qui s’identifient à ces soldats des marais qui vivent loin de chez eux ! A la fin, les 16 hommes plantent leur bêche dans la terre du camp. Le chant sera interdit 2 jours plus tard par le commandant du camp, et le restera dans les camps nazis jusqu’à leur chute. Mais la carrière de la chanson est lancée …. Ce chant sera recopié clandestinement (détenir papier et crayons est interdit). Les détenus transférés d’un camp à l’autres le popularisent, ainsi que ceux qui sont libérés. Etre libéré d’un KL reste possible jusqu’à l’entrée en guerre, sous condition. Une amnistie très partielle est ainsi accordée pour Noel 1935. La chanson paraît le 8 mars 1935 dans AIZ , "Arbeiter Illustrierte Zeitung", le journal clandestin du parti communiste allemand. Les paroles expriment plusieurs sentiments. D’abord dans une grande tristesse, l’exil sur une terre inhospitalière et marécageuse. Le deuxième couplet évoque l’isolement, l’enfermement, la mise à l’écart de la société allemande. Le troisième couplet montre la dureté et la violence qui règnent dans les camps administrés par les SA (puis par les SS). Pourtant le chant se termine par une note d’espoir sur la prochaine libération (couplet plus dernier refrain). Après sa libération, Johan Esser (né en 1896, décédé en 1971), l’ancien syndicaliste communiste, poète et écrivain, se retrouve dans une grande misère le réduisant même à publier des poèmes patriotiques dans des journaux proches du pouvoir. Il retourne au syndicalisme dans l’Allemagne de l’ouest après la guerre. Wolgang Langhoff (né en 1901, décédé en 1966) à Berlin est libéré en mars 1934 et s’exile en Suisse pour la durée du conflit. Après la guerre il rejoindra Berlin est où il dirigera un théâtre. Rudi Goguel (Né à Strasbourg, alors allemande, en 1908, décédé en 1976) est libéré en 1934 et replonge tout de suite dans la résistance. Arrêté à nouveau il est torturé et condamné à 10 ans de prison. En 1944, à peine libéré, il est à nouveau arrêté et interné en camp de concentration à Neuengamme. En 1945 , il fait partie des 8 000 détenus évacués par les nazis sur des bateaux destinés à être coulés en Mer Baltique. Il est l’un des rescapés de la tragédie du Cap Arcona, ce paquebot transformé en prison-mouroir par les SS en 1945. Ces bateaux seront pris pour cible par l’aviation britannique dans la confusion de la fin de la guerre. Goguel échappe de peu à la mort. Communiste convaincu, il finira sa vie en Allemagne de l’est. En France, "Le chant des marais" est fréquemment associé au "Chant des Partisans" et à "La Marseillaise" lors des commémorations