Dans
les
dernières
années
du
VIIIème
siècle,
alors
que
Charlemagne
règne
encore
sur
une
grande
partie
de
l'Occident
chrétien,
des
hommes
venus
du
Nord
sur
de
longues
barques,
sèment la terreur sur les côtes de la Mer du Nord et de la Manche.
Durant
un
siècle
et
demi,
par
de
rapides
et
audacieux
coups
de
main,
ils
vont
piller,
brûler
ne
laissant que ruines et cendres sur leur passage.
Pendant
très
longtemps,
ces
"Normands"
ne
seront
connus
que
par
les
descriptions
atroces
et
exagérées de leurs victimes.
Mais
aujourd'hui,
on
sait
qu'ils
avaient
développé
une
civilisation
originale
et
dynamique
aux
origines très anciennes.
Dès
l'Antiquité,
on
connaît
l'existence,
dans
les
pays
brumeux
du
Nord
de
l'Europe,
des
hommes auxquels on achète des fourrures, de l'étain, de l'ambre.
Des
découvertes
archéologiques,
notamment
de
magnifiques
gravures
rupestres,
permettent
de
penser
qu'ils
étaient
installés
en
Scandinavie
depuis
le
6ème
millénaire
avant
J-C,
vivant
de
chasse à l'élan et de pêche à la baleine.
Ces
chasseurs
errants
vont,
peu
à
peu,
se
fixer
entre
la
forêt
et
la
mer,
dans
des
sites
protégés
qu'ils défrichent par la hache et le feu.
Ils sèment, récoltent, domestiquent le renne.
Ils
construisent
des
villages
sur
pilotis
au
bord
des
fjords
et
des
rivières
et,
de
là,
vont
pêcher
sur des pirogues creusées dans d'énormes troncs de mélèzes.
Utilisant
au
mieux
leur
environnement,
ils
vont
devenir
aussi
d'habiles
artisans
du
bois
et
des
marins expérimentés.
Vers
3000
avant
JC
la
métallurgie
du
bronze
fait
son
apparition
et
l'efficacité
des
outils
et
des
armes augmente.
En même temps, la civilisation matérielle prend un éclat nouveau.
Bijoux
d'or
et
de
bronze,
vêtements
de
laine
délicatement
tissés
...
et
même
des
rasoirs
et
des
pinces à épiler ...
Les
raisons
de
leur
mise
en
mouvement
spectaculaire
au
IXème
siècle
sont
difficiles
à
démêler.
Il
ne
s'agit
pas
d'opérations
concertées
car,
vers
l'an
800,
il
n'existe
en
Scandinavie
aucune
organisation politique solide.
Peut-être faut-il voir dans cette instabilité même une cause de départ ?
Les
expéditions
sont
individuelles,
lancées
par
des
chefs
locaux
mi-pillards,
mi-négociants
qui
partent
à
la
recherche
de
terres
nouvelles
(car
le
pays
est
surpeuplé)
et
de
richesses
qu'ils
ne
produisent pas.
Le premier d'entre eux fut le mythique Ragnar Lodbrok YNGLINGAR.
Il participera au premier pillage de Paris en 845 avec 120 navires et 5 000 vikings.
Une
de
ses
stratégies
favorites
est
d'attaquer
des
villes
chrétiennes
pendant
des
fêtes
religieuses, puisque beaucoup de soldats étaient à l'église.
Il
n'accepte
de
laisser
ses
victimes
qu'en
échange
d'une
somme
énorme,
et
revient
plus
tard
en
demandant encore plus pour son départ.
S'il
n'y
a
aucune
organisation
politique
en
Scandinavie,
il
existe,
par
contre,
une
grande
communauté de culture basée sur des éléments forts.
En
premier
lieu,
la
religion,
au
panthéon
compliqué,
qui
repose
notamment
sur
des
pratiques
funéraires somptueuses et sur une écriture sacrée, les runes.
La structure sociale est très solide.
Elle s'appuie sur des hommes libres, propriétaires de la terre, du bétail et des bateaux.
Regroupés
en
clans
familiaux,
ils
se
réunissent
en
assemblées
pour
décider
de
leur
vie
collective.
Ce
qui
donne
aussi
vigueur
et
cohésion
aux
Vikings,
c'est
leur
maîtrise
de
la
mer
qui
les
entraîne loin de chez eux pour le pillage, mais surtout pour le négoce.
C'est
à
travers
lui,
d'ailleurs,
qu'ils
vont
se
créer
des
liens
dans
de
nombreux
pays
et
qu'ils
s'installent en Angleterre, en France, en Russie, au Groenland, en Amérique.
Cette dispersion fut, sans doute, une des causes du déclin de cette étonnante civilisation.
Ainsi,
en
élargissant
le
monde
connu,
en
mettant
en
contact
des
cultures
différentes,
les
hommes
du
Nord
ont
fait
évoluer
les
Occidentaux
et
ce
malgré
les
destructions
qu'ils
leur
ont
infligées.
Ce brassage, ressenti comme une catastrophe, fut peut-être une grande chance.
La
vie
des
Vikings
s'organise
autour
de
deux
pôles
:
la
mer,
domaine
des
hommes
et
la
maison,
domaine des femmes qui jouent un rôle essentiel dans cette civilisation.
La
maison
viking
avait
une
longueur
variant
en
moyenne
entre
10
et
38
mètres
et
d'une
largeur de 5 mètres.
La
plus
longue
retrouvée
faisait
83
mètres
(Borg
dans
les
Îles
Lofoten)
probablement
le
logis
d'un chef.
Elle
était
le
plus
souvent
une
ferme
qui
pouvait
accueillir
entre
entre
30
et
50
personnes,
toute
la famille et ses esclaves, travaillant, mangeant et dormant sous le même toit.
Les animaux domestiques étaient abrités dans une pièce sur un côté.
La maison rappelle de par sa forme celle d'un navire.
La charpente évoque une carène renversée, soutenue par deux rangées de poteaux.
Au centre de la grande salle commune, un foyer de pierres fournit chaleur et cuisson.
Le long des murs, une banquette recouverte de fourrures est utilisée pour s'asseoir et dormir.
En général, des cloisons séparent la grande salle de deux ou trois chambres plus intimes.
À l'intérieur, le confort reste rudimentaire.
Les
meubles
sont
rares
:
un
lit
de
bois,
protégé
à
sa
tête
par
deux
animaux
fabuleux,
un
coffre
à grains, fait de pièces de chêne et soigneusement verrouillé.
Un
second
coffre,
clouté
et
ouvragé,
destiné
aux
habits
et
aux
parures,
un
seau
à
cerclage
métallique, une lampe à pied de fer fichée dans le sol de terre battue.
Pour les Vikings, qu'ils soient marins ou paysans, le foyer revêt une importance particulière.
C'est
là,
après
les
courses
et
le
travail,
qu'ils
aiment
se
retrouver
pendant
les
très
longs
hivers
qui empêchent toute sortie.
Alors on fabrique de nouvelles armes, on répare les outils, on prépare les expéditions.
On raconte les dernières campagnes pour instruire les futurs guerriers.
On décrit l'Au-delà, le "Walhalla", où les Walkyries accueillent les guerriers morts au combat.
Elles portent leurs armes et leur versent l'hydromel, breuvage d'éternité.
Ils connaissent un bonheur que l'on ne peut imaginer en ce bas monde.
On
évoque
ODIN,
dieu
de
la
Guerre
et
de
l'Intelligence,
divinité
sanglante
et
son
épouse
FRIGO, déesse de l'Amour, toujours accompagnée de ses deux chats.
Mais
surtout,
on
s'adresse
à
THOR,
le
dieu
du
tonnerre,
si
proche
des
hommes
qu'il
protège
des géants, des "trolls", les petits démons de la forêt, du froid, du feu et des loups ...
La
femme
reste
l'âme
de
la
maison
et
la
condition
des
femmes
est
très
en
avance
par
rapport
au reste de l'Europe.
Elle est traitée avec respect par les hommes qui la considèrent comme une égale.
Elle assume des responsabilités importantes, surtout lorsqu'elle est épouse et mère.
Souvent,
à
la
belle
saison,
au
moment
des
travaux
agricoles,
bien
des
hommes
sont
absents,
partis en expéditions.
Certains n'en reviennent jamais et le veuvage est un état fréquent.
Aussi les femmes cultivent-elles la terre ou dirigent-elles les esclaves qui le font.
Elles
s'occupent,
bien
sûr,
de
l'alimentation,
cueillette
des
baies,
ramassage
des
coquillages,
récolte du miel, fabrication de la bière.
En
prévision
des
rudes
et
longs
hivers,
elles
recueillent
de
la
tourbe
qui
servira
de
combustible.
Elles
coupent
de
larges
mottes
qu'elles
empilent
régulièrement
jusqu'à
former
de
vastes
murs
pour le séchage avant l'utilisation.
Les
femmes
s'occupent
également
des
travaux
liés
au
textile.
Foulage,
teinture,
tissage
et
broderie où s'affirme un goût prononcé pour les couleurs vives et les motifs compliqués.
Elles utilisent la laine, le chanvre et le lin.
Mais les femmes ne sont pas cantonnées dans les travaux "domestiques".
Elles
peuvent
exercer
des
commandements
politiques
et
posséder
personnellement
des
terres,
des forteresses ou des bateaux.
C'est par elles que se transmettent les traditions, que la famille se maintient et s'étend.
Par elles que le foyer est bien gardé.
La femme est le vrai pilier de la société Viking.
Ainsi
les
féroces
"rois
des
mers"
respectaient
les
femmes,
avaient
le
sens
de
la
famille
et
des
traditions,
savaient
être
de
délicats
orfèvres,
rêvaient
d'un
paradis
peuplé
de
douces
jeunes
filles.
Alors étaient-ils vraiment aussi barbares que le racontent les chroniqueurs ?
La question reste posée.