La Vendée est une invention de la Révolution française, affirme l'écrivain vendéen, Michel Ragon (1924-....). Pas parce que l'Assemblée constituante l'a érigée en département le 26 janvier 1790, mais parce que c'est la Convention qui en a fait un symbole, en 1793. L'Assemblée constituante supprime, ainsi que toutes les autres du royaume de France, la province de Poitou. Initialement il est prévu de découper le Poitou en seulement deux départements, calqués sur le haut et le bas de la province abolie. Mais, le nouveau découpage érige le Bas-Poitou en département de la Vendée, qui en conserve les limites et le haut-Poitou sera séparé en deux parties, les Deux-Sèvres et la Vienne. Mais revenons à la Vendée. Quel nom va-t-on donner à ce nouveau bébé de la Révolution ? Pourquoi ne serait-il pas baptisé, comme la plupart de ses frères, en fonction d'un fleuve ou d'une rivière passant par là ? C'est le cas de tous les départements limitrophes : Loire-Inférieure (devenue Atlantique), Maine-et-Loire, Deux-Sèvres (Nantaise et Niortaise) et Charente-inférieure (actuellement Maritime) ? C'est le cas également de la Vienne, dont l'ancienne capitale du Poitou est le chef-lieu. Les législateurs pensent donc tout naturellement à un fleuve côtier qui coule au milieu du département, de la confluence de deux rivières venant du Bocage, le Grand et le Petit Lay. Le Bas-Poitou devrait devenir le département des Deux-Lay. Mais il y a un problème. La disgrâce physique trop marquée de deux de ses représentants, fournissant prétexte à jeux de mots, y fit renoncer. Le choix se porte alors sur une modeste rivière qui coule au sud du département pour se jeter dans la Sèvre Niortaise, et qui présente l'avantage aux yeux des députés fontenaisiens de traverser leur ville. Adjugé ! La Vendée est née. À peine créée, la Vendée est sortie de ses limites départementales pour donner son nom à un soulèvement populaire touchant trois anciennes provinces, quatre nouveaux départements, six cents paroisses. Le concept est repris depuis plus de deux siècles, de Napoléon (1769-1821) à Lénine (1870-1924), de Burke (1729-1797) à Jaurès (1859-1914), de Babeuf (1760-1797) à Soljénitsyne (1918-2008), afin d'illustrer, pour les uns la quintessence de la contre-révolution, pour les autres le rejet du totalitarisme sous toutes ses formes. Lorsque Bertrand Barère (1755-1841) monte à la tribune de la Convention le 1er octobre 1793 en clamant "Détruisez la Vendée !", c'est pour présenter, au nom du Comité de salut public, un nouveau décret relatif à l'insurrection vendéenne et instaurer la terreur. Mais la Vendée tient en échec depuis plus de six mois une République menacée sur toutes ses frontières extérieures. En prenant la parole, le député des Hautes-Pyrénées, régicide (qui cautionne ou est coupable de l'assassinat d'un roi ou d'un monarque) à qui son éloquence lui vaut le surnom "d'Anacréon de la guillotine", ne sait pas que son apostrophe contre la "Vendée militaire" va entrer dans l'histoire : " Détruisez la Vendée et Valenciennes ne sera plus au pouvoir des Autrichiens. Détruisez la Vendée et le Rhin sera délivré des Prussiens. Détruisez la Vendée et l'Anglais ne s'occupera plus de Dunkerque. Détruisez la Vendée et l'Espagne sera morcelée et conquise par les Méridionaux !... Détruisez la Vendée et Toulon s'insurgera contre les Espagnols et les Anglais, Lyon ne résistera plus. La Vendée, et encore la Vendée, voilà le chancre qui dévore le cœur de la République. C'est là qu'il faut frapper ! " Depuis plus de deux siècles, la Vendée est une énigme qui laisse perplexes historiens, sociologues, observateurs en tous genres. Une sorte de scandale, parce qu'incompréhensible pour les esprits rationalistes qui voudraient la faire entrer dans un cadre préconçu et qui n'y parviennent pas. "Il nous faut des Vendée", assène Lénine pour justifier la mise en place d'un régime policier en Russie, en 1920. Et, 73 ans plus tard, c'est en Vendée que Soljénitsyne vient dénoncer la violence totalitaire.