À partir du XVIe siècle, la puissance des nations européennes ne se mesure plus sur terre, mais bien sûr les flots. La France et l'Angleterre vont rivaliser d'ingéniosité et d'efforts durant deux siècles pour créer des flottes à la hauteur de leurs ambitions, avec des navires toujours plus grands et des équipages rudes et déterminés. Les hommes sont très nombreux sur les navires et l'espace de vie est réduit. Pour dormir, pas de lit disponible (sauf pour les officiers). Le sommeil se trouve dans un hamac (aussi appelé branle au XVIIème siècle), disposé au-dessus des batteries de canons dans les ponts inférieurs, mal ventilés car le mauvais temps obligeait souvent à tenir les sabords fermés. Les marins se balançaient au gré des roulis permettant un meilleur sommeil, même en cas de mauvais temps. Chaque marin est associé avec un autre pour le partage du hamac, selon le système de quart ou de grande bordée (0-4 h du matin, 4-8h du matin, 8h-midi, 12-16h, 16-20h, 20h-Minuit). Le matelot, harassé et trempé de pluie ou d'embruns, il ne trouvait ni boissons chaudes ni braseros pour se sécher (La Pérouse et Cook s'en procureront plus tard). Le marin devait se coucher tout habillé faute de vêtements de rechange, bien qu'il possède un sac, comme le soldat son paquetage, mais aucun règlement n'en déterminait encore la composition. Au bout des quatre heures de sommeil, il abandonnait à son successeur un hamac humide et malsain. Les latrines (aussi appelées poulaines) ne sont qu'au nombre de deux pour tout l'équipage. Situées à l'avant du navire, elles sont exposées aux éléments, qui se chargent de tout nettoyer. Les vaisseaux sont de véritables nids à maladies car l'hygiène y est quasi inexistante. Les déjections des animaux sont très difficiles à évacuer, tout comme leurs odeurs. La promiscuité et l'humidité permanente aident également à la propagation des infections. Se laver est impossible pour les matelots, l'eau douce étant rationnée. Il leur faut donc attendre une grosse pluie pour pouvoir faire un brin de toilette. Ainsi, les maladies comme la variole, le typhus ou la dysenterie font des ravages dans les équipages. Mais le cauchemar de la vieille marine reste le scorbut, provoqué par un manque de vitamines C dans la nourriture, les fruits ne pouvant être conservés. La mortalité liée au scorbut maritime a été estimée à plus d'un million de victimes entre 1600 et 1800. Pour le combattre, les Hollandais mangeaient de la choucroute. Les marins pouvaient aussi s'en protéger sans le savoir lorsqu'ils mangeaient les rats qui infestaient le navire, le foie du rat étant capable de produire de la vitamine C. Des animaux vivants comme des vaches, des poules ou des moutons étaient embarqués sur les vaisseaux lors des longues campagnes mais leurs produits ainsi que leur viande étaient réservés aux officiers. Les matelots doivent se contenter d'une nourriture bien moins variée et nourrissante. La conservation des aliments étant très difficile à l'époque, surtout sur des vaisseaux, la base de leur alimentation consiste en un pain sec très dur appelé "biscuit de mer", à tremper dans du bouillon pour être consommé. Sans grand goût, le biscuit est même souvent infesté de vers comme des teignes ou des charançons, il valait mieux alors éviter de penser à ce que l'on mangeait. Du lard ou du bœuf salé pouvait être servi le dimanche afin d'améliorer un petit peu l'ordinaire. Même, les salaisons les mieux préparées finissaient par pourrir. Outre le problème de conservation des aliments se pose celui de l'eau. On ne puisait pas toujours aux sources les plus pures, parce qu'il en fallait des quantités énormes. Stockée dans des barriques, celle-ci pourrissait très vite et devenait donc dangereuse à la consommation, ce qui entraînait de nombreuses maladies. Les progrès des sciences contribueront à fonder l'hygiène navale, dont l'efficacité fut démontrée bientôt par des expériences retentissantes. L'influence exercée par la sensibilité que la littérature avait mise à la mode, tourna en un sentiment sincère chez beaucoup d'officiers de marine.