Le Chêne un jour dit au Roseau : "Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ; Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau ; Le moindre vent, qui d’aventure Fait rider la face de l’eau, vous oblige à baisser la tête ; Cependant que mon front, au Caucase pareil ; Non content d’arrêter les rayons du soleil ; Brave l’effort de la tempête. Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr ; Encore si vous naissiez à l’abri du feuillage ; Dont je couvre le voisinage ; Vous n’auriez pas tant à souffrir ; Je vous défendrais de l’orage ; Mais vous naissez le plus souvent sur les humides bords des Royaumes du vent. La nature envers vous me semble bien injuste". Votre compassion, lui répondit l’Arbuste, Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci. Les vents me sont moins qu’à vous redoutables. Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici contre leurs coups épouvantables ; Résisté sans courber le dos ; Mais attendons la fin. "Comme il disait ces mots", Du bout de l’horizon accourt avec furie ; Le plus terrible des enfants ; Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs. L’Arbre tient bon ; le Roseau plie ; Le vent redouble ses efforts ; Et fait si bien qu’il déracine ; Celui de qui la tête au ciel était voisine, et dont les pieds touchaient à l’Empire des Morts.
La Fontaine termine sur un fait et c'est donc au lecteur d’en imaginer la morale. Entre l'arrogance du chêne et l'habile soumission, apparente du roseau l'on comprend très facilement une foule de choses, encore d'actualité de nos jours, opposant la vanité de l'orgueil démesuré du chêne, à la sagesse prudente du roseau qui finira, lui, par survivre ... Même si le Chêne est apparemment plus résistant, son orgueil le perd. Le Roseau est plus humble, à la fois dans ses paroles et son attitude : "plier" ou "courber le dos" est souvent une image d'acceptation et de patience. À long terme, cela lui permet d'être plus résistant aux épreuves : la force brute n'est pas toujours la meilleure !