Rien ne sert de courir ; il faut partir à point : Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point Si tôt que moi ce but. Si tôt ? Êtes-vous sage ? Repartit l'Animal léger : Ma Commère, il vous faut purger Avec quatre grains d'ellébore. Sage ou non, je parie encore. Ainsi fut fait : et de tous deux On mit près du but les enjeux : Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire, Ni de quel juge l'on convint. Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire, J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint, Il s'éloigne des Chiens, les renvoie aux calendes, Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir, et pour écouter D'où vient le vent, il laisse la tortue Aller son train de Sénateur. Elle part, elle s'évertue, Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire, Tient la gageure à peu de gloire, Croit qu'il y va de son honneur De partir tard. Il broute, il se repose, Il s'amuse à toute autre chose Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit Que l'autre touchait presque au bout de la carrière. Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit Furent vains : la Tortue arriva la première. "Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ? Moi l'emporter ! Et que serait-ce Si vous portiez une maison ?" La Morale de la Fable : Jean de La Fontaine écrit la fable "Le Lièvre et la Tortue" en 1668. La moralité se situe dès le début de la fable, "Rien ne sert de courir ; il faut partir à point." Il est inutile de se précipiter quand il est trop tard, mieux vaut commencer à l'heure pour mieux s'appliquer et prendre son temps. Une trop grande confiance en soi peut également se révéler néfaste. Il ne faut jamais sous-estimer son adversaire et, de surcroît, se montrer trop prétentieux. La lenteur, si elle est accompagnée par la persévérance, vaut mieux que l'agilité soutenue par la présomption.