Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prête vie. Mais le lâcher en attendant, Je tiens pour moi que c'est folie ; Car de le rattraper il n'est pas trop certain. Un Carpeau qui n'était encore que fretin Fut pris par un Pêcheur au bord d'une rivière. Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin ; Voilà commencement de chère et de festin : Mettons-le en notre gibecière. Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière : Que ferez-vous de moi ? Je ne saurais fournir. Au plus qu'une demi-bouchée ; Laissez-moi Carpe devenir : Je serai par vous repêchée. Quelque gros Partisan m'achètera bien cher, Au lieu qu'il vous en faut chercher Peut-être encore cent de ma taille Pour faire un plat. Quel plat ? Croyez-moi ; rien qui vaille. - Rien qui vaille ? Eh bien soit, repartit le Pêcheur ; Poisson, mon bel ami, qui faites le Prêcheur, Vous irez dans la poêle ;et vous avez beau dire, Dès ce soir on vous fera frire. Un tien vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras : L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.
Dans cette fable, un petit poisson vient de se faire attraper par un pêcheur. Pour éviter de se faire manger par celui-ci, il tente de le convaincre qu’il est trop petit, qu’il vaut donc mieux qu’il le relâche afin qu’il puisse grandir. Il lui promet que quand il l’attrapera pour la seconde fois, il sera plus gros et qu’il le nourrira deux fois plus. Mais le pêcheur n’en croit pas un mot et décide de le garder quand même. L’auteur, dans sa morale, veut ici faire nous faire comprendre l’importance de ne pas vouloir toujours plus car nous ne savons pas si ce que nous aurons plus tard sera tout aussi satisfaisant. Autrement dit, mieux vaut se contenter de ce qu’ on a déjà plutôt que de rêver à quelque chose qu’on ne pourra peut-être pas se procurer.