Les Colonnes Infernales de la Révolution française au Puy du Fou Ce document examine le phénomène des colonnes infernales, unités militaires républicaines ayant opéré en Vendée pendant la Révolution française, et analyse leur représentation contemporaine dans le parc à thème du Puy du Fou. À travers une étude approfondie du contexte historique, des actions menées par ces colonnes sous le commandement du général Turreau, et de leur impact sur la mémoire collective, nous explorerons comment cet épisode tragique est mis en scène dans les spectacles du Puy du Fou, notamment dans la célèbre Cinéscénie. Cette analyse nous permettra également d'aborder les controverses historiographiques entourant cette représentation de l'histoire et ses implications pour la compréhension contemporaine de cette période révolutionnaire. Contexte historique : La guerre de Vendée et la répression républicaine La guerre de Vendée s'inscrit dans un contexte politique extrêmement tendu au cœur de la Révolution française. Déclenchée en mars 1793, cette insurrection contre-révolutionnaire survient après une série de mesures perçues comme hostiles par la population vendéenne : la Constitution civile du clergé, la levée en masse de 300 000 hommes et les politiques économiques contraignantes. La région, profondément attachée à ses traditions catholiques et à la royauté, se soulève contre le pouvoir républicain de Paris. L'insurrection vendéenne prend rapidement de l'ampleur, formant ce que l'on appelle "l'Armée catholique et royale". Cette armée, constituée principalement de paysans et dirigée par des nobles comme Charette, d'Elbée, La Rochejaquelein ou Stofflet, remporte plusieurs victoires importantes contre les forces républicaines pendant l'été 1793. Ces succès alarment considérablement la Convention, qui craint une jonction des rebelles vendéens avec les forces étrangères menaçant les frontières de la France révolutionnaire. Face à cette menace, le Comité de Salut public décide d'une répression impitoyable. Le 1er août 1793, la Convention décrète que "la Vendée doit être détruite" et le 1er octobre 1793, le représentant Barère prononce son célèbre discours : "Il faut que la Vendée devienne un cimetière national". C'est dans cette atmosphère de radicalisation que s'inscrit la création des colonnes infernales, instruments d'une politique de pacification par la terreur qui transformera le conflit en véritable guerre d'extermination. La Convention envoie alors des armées considérables et place la région sous l'autorité de généraux déterminés à écraser l'insurrection. Après la défaite des Vendéens à Savenay le 23 décembre 1793, qui marque la fin de la "grande armée catholique et royale", la répression change de nature : il ne s'agit plus de combattre une armée organisée, mais d'éradiquer toute résistance au sein d'une population considérée comme globalement hostile à la République. Définition et origine des colonnes infernales Les colonnes infernales désignent des unités militaires républicaines spécifiquement créées pour pacifier la Vendée insurgée durant l'hiver 1794. Le terme "infernales", initialement utilisé par les Vendéens eux-mêmes pour décrire la violence et la brutalité de ces troupes, a été repris par l'historiographie. Cette appellation n'était pas officielle dans la terminologie républicaine de l'époque, mais elle traduit parfaitement la nature traumatisante de leur passage pour les populations locales. L'origine de ces colonnes s'inscrit dans le cadre de la politique de répression systématique mise en place après l'échec des méthodes militaires conventionnelles contre l'insurrection vendéenne. Suite à la défaite des armées vendéennes à Savenay, le Comité de Salut public cherche une solution définitive à ce qu'il appelle "le problème vendéen". Le 17 janvier 1794 (28 nivôse an II), le général Louis-Marie Turreau présente son plan d'action au Comité de Salut public, qui reçoit rapidement l'approbation des représentants en mission Prieur de la Marne et Bourbotte. Ce plan prévoit la division de l'armée républicaine en colonnes mobiles ayant pour mission de parcourir systématiquement le territoire vendéen en appliquant une politique de la terre brûlée. L'objectif n'est plus simplement de vaincre militairement les rebelles, mais de rendre impossible toute résistance future en détruisant les ressources matérielles et humaines qui pourraient la soutenir. Dans ses instructions du 29 janvier 1794, Turreau ordonne explicitement : "Tous les brigands trouvés les armes à la main, ou convaincus de les avoir prises, seront passés au fil de la baïonnette. On en agira de même avec les femmes, filles et enfants qui seront dans ce cas." Les colonnes infernales, officiellement au nombre de douze puis portées à vingt, étaient composées chacune de 1 000 à 2 000 hommes, principalement issus des bataillons de volontaires nationaux et des unités régulières de l'armée. La composition des colonnes infernales reflète la diversité des forces républicaines engagées dans la guerre de Vendée. On y trouve à la fois des unités de l'armée régulière, notamment des bataillons de volontaires nationaux levés en 1791-1792, des éléments de l'armée révolutionnaire parisienne particulièrement zélés dans l'application de la Terreur et des recrues de la levée en masse d'août 1793. S'y ajoutent parfois des gardes nationaux locaux issus des départements limitrophes et réputés pour leur hostilité envers les "brigands" vendéens. Cette diversité explique en partie les variations dans l'application des ordres selon les colonnes. La structure militaire de ces colonnes permettait une action coordonnée et méthodique, balayant le territoire selon un plan préétabli et ne laissant aucune zone à l'abri de leur intervention. Le général Turreau et l'organisation des colonnes infernales Louis-Marie Turreau, né en 1756 à Évreux, incarne la figure de l'officier de fortune promu par la Révolution. Simple capitaine en 1792, il gravit rapidement les échelons pour devenir général de division en septembre 1793, bénéficiant du renouvellement des cadres militaires après la purge des officiers nobles. Sa nomination à la tête de l'armée de l'Ouest le 27 décembre 1793 intervient dans un contexte où la Convention exige des résultats décisifs contre l'insurrection vendéenne. Ambitieux et déterminé à faire preuve de son dévouement à la cause révolutionnaire, Turreau conçoit un plan de pacification radicale qu'il soumet au Comité de Salut public. Le système des colonnes infernales repose sur une organisation militaire minutieuse. Turreau divise le territoire vendéen en secteurs géographiques à "purger" méthodiquement. Dans ses ordres du 29 janvier 1794, il établit un dispositif composé initialement de douze colonnes mobiles qui doivent progresser en coordination selon des axes de marche précis, quadrillant l'ensemble du territoire insurgé. Les colonnes avançaient en lignes parallèles, distantes de quelques kilomètres seulement, garantissant qu'aucune zone n'échapperait au ratissage. Cette méthode en "peigne" permettait également d'encercler les groupes rebelles qui tentaient de fuir. La coordination entre les colonnes était assurée par des estafettes et des signaux, notamment des colonnes de fumée lors des incendies qui servaient de repères. Les déplacements se faisaient généralement de jour, les troupes bivouaquant la nuit dans des positions sécurisées, souvent des localités déjà "pacifiées". La destruction des infrastructures constituait un aspect central de cette stratégie. Ces colonnes partent de la périphérie de la Vendée pour converger vers son centre, créant un mouvement de tenaille destiné à ne laisser aucune échappatoire aux populations ciblées. Chaque colonne est placée sous le commandement d'un officier supérieur recevant des instructions précises. Parmi ces officiers, certains se distingueront par leur zèle dans l'exécution des ordres, comme les généraux Cordellier, Crouzat, Duquesnoy, Huché, Amey, ou encore le tristement célèbre Grignon qui aurait déclaré à ses hommes : "Camarades, nous entrons dans le pays insurgé, je vous donne l'ordre de livrer aux flammes tout ce qui peut être brûlé et de passer au fil de la baïonnette tout ce que vous rencontrerez d'habitants." L'organisation logistique de ces colonnes témoigne d'une volonté d'efficacité systématique. Chaque unité dispose d'éléments de cavalerie pour la reconnaissance et la poursuite, d'infanterie pour les opérations principales, et souvent d'artillerie légère pour détruire les points de résistance. Des détachements spéciaux sont également chargés de l'incendie des habitations et de la destruction des ressources alimentaires. Les techniques d'incendie étaient standardisées : utilisation de torches, de paille enflammée ou parfois de "fusées incendiaires" spécialement conçues pour ce type d'opération. Les archives militaires révèlent que certaines colonnes tenaient une comptabilité précise des destructions, rapportant quotidiennement le nombre de bâtiments incendiés ou détruits. Le général Turreau instaure aussi un système de communication entre les colonnes, avec des rapports réguliers qui lui sont transmis, lui permettant d'adapter sa stratégie et de coordonner les mouvements de ses troupes. Les exactions des colonnes infernales en Vendée Les exactions commises par les colonnes infernales en Vendée constituent l'un des épisodes les plus sombres de la Révolution française. De février à mai 1794, ces unités militaires ont mené une campagne systématique de destruction qui dépasse le cadre habituel des opérations de contre-insurrection pour s'apparenter à ce que l'historiographie contemporaine qualifie parfois de génocide ou, plus précisément, de "populicide". La violence s'exerce d'abord contre les personnes. Les ordres de Turreau sont sans équivoque : "Tous les brigands qui seront trouvés les armes à la main, ou convaincus de les avoir prises, seront passés au fil de la baïonnette. On agira de même avec les femmes, filles et enfants qui seront dans ce cas." Dans la pratique, cette directive est interprétée de manière extensive par de nombreux officiers. Les colonnes procèdent à des exécutions massives sans distinction d'âge ni de sexe, souvent sans même chercher à établir l'implication des victimes dans l'insurrection. Les témoignages recueillis après la Terreur font état de scènes d'une cruauté inouïe : enfants empalés sur des baïonnettes, femmes enceintes éventrées, vieillards brûlés vifs dans leurs chaumières. Le général Cordellier rapporte lui-même dans un de ses comptes rendus : "J'ai brûlé tous les bâtiments et égorgé tous les habitants que j'ai trouvés dans les campagnes." Février 1794 Les colonnes commencent leur progression méthodique à travers la Vendée, laissant derrière elles villages incendiés et cadavres. Les premiers massacres d'ampleur ont lieu à La Gaubretière et aux Lucs-sur-Boulogne, où plusieurs centaines de civils sont tués. Mars 1794 La répression s'intensifie. La colonne du général Cordellier ravage la région de Cholet tandis que celle de Crouzat met à feu et à sang les environs de Mortagne. Les exécutions sommaires se multiplient, généralement précédées de tortures. Avril 1794 Le général Turreau ordonne l'évacuation forcée des populations vers les villes contrôlées par les républicains, accentuant le dépeuplement des campagnes. Les colonnes poursuivent leur œuvre de destruction méthodique. Mai 1794 Les premières critiques contre les méthodes de Turreau émergent au sein même du camp républicain. Des représentants en mission comme Garrau et Hentz commencent à s'inquiéter de l'ampleur des massacres. Le 13 mai, Turreau est finalement relevé de son commandement. Le cas des Lucs-sur-Boulogne, survenu le 28 février 1794, est particulièrement emblématique et documenté. La colonne du général Cordellier y massacre environ 500 personnes réfugiées dans l'église et les fermes environnantes. L'abbé Barbedette, témoin et survivant, a laissé un récit détaillé de ces événements. Selon son témoignage, les soldats ont enfermé les habitants dans l'église avant d'y mettre le feu, tuant ceux qui tentaient de s'échapper. Les listes nominatives des victimes, établies après les événements, attestent de la réalité et de l'ampleur du massacre. La destruction des biens et des ressources constitue le second volet de cette stratégie de la terre brûlée. Les colonnes incendient systématiquement les fermes, les hameaux et les bourgs, détruisent les moulins et les fours à pain, abattent le bétail qu'elles ne peuvent emmener, et brûlent les récoltes et les réserves de grain. Cette politique vise explicitement à affamer la population et à rendre inhabitable le territoire vendéen. Le général Grignon écrit ainsi : "J'ai laissé peu de subsistances sur mon passage ; j'ai tout incendié." Les "noyades" de Bouffay, bien que moins directement liées aux colonnes infernales, car organisées à Nantes par Carrier, participent de cette même logique d'extermination. La méthode consistait à entasser des prisonniers dans des bateaux à fond ouvrable qui étaient ensuite coulés au milieu de la Loire. Impact sur la population vendéenne Les conséquences démographiques, économiques et psychologiques du passage des colonnes infernales sur le territoire vendéen ont été dévastatrices et durables. Ces quelques mois de terreur systématique ont profondément bouleversé l'équilibre d'une région déjà éprouvée par plusieurs mois de guerre civile. Sur le plan démographique, l'impact a été considérable bien que difficile à quantifier avec précision. Les estimations des pertes humaines directement attribuables aux colonnes infernales varient entre 20 000 et 50 000 victimes, selon les sources historiographiques. Les registres paroissiaux de nombreuses communes vendéennes montrent une chute brutale de la population entre 1793 et 1795. À La Gaubretière, par exemple, les recensements indiquent une diminution de près de 40% des habitants. La structure démographique s'en trouve profondément altérée, avec une surreprésentation de veuves et d'orphelins qui marque durablement la société vendéenne. Le déséquilibre entre les sexes, avec une proportion anormalement élevée de femmes par rapport aux hommes, persiste jusqu'au début du XIXe siècle dans certaines paroisses. Les conséquences économiques ne sont pas moins désastreuses. L'agriculture, principale activité de cette région rurale, est paralysée par la destruction massive des exploitations, des outils agricoles et l'abattage du bétail. La correspondance administrative de l'an III (1795) évoque des "paysages lunaires" où alternent ruines et terres en friche. Les infrastructures économiques essentielles comme les moulins à eau et à vent, les fours à pain communaux ou les pressoirs à vin sont systématiquement détruits, compromettant la reprise des activités traditionnelles. À cela s'ajoute la pénurie de main-d'œuvre masculine qui retarde la reconstruction. L'historien Jean-Clément Martin estime qu'il faudra attendre les années 1820 pour que la production agricole retrouve son niveau d'avant la guerre de Vendée. Fin des opérations et destitution de Turreau La campagne des colonnes infernales connaît un ralentissement progressif à partir de mars 1794, puis s'achève officiellement en mai de la même année. Cette fin d'opération s'inscrit dans un contexte d'évolution de la situation politique nationale et de remise en question croissante de l'efficacité de la méthode employée en Vendée. Dès la fin février 1794, les premiers signes d'un changement de stratégie se manifestent. Les rapports militaires et les correspondances des représentants en mission soulignent l'inefficacité paradoxale de la politique de terreur systématique. Loin d'éteindre l'insurrection, les exactions des colonnes infernales provoquent un regain de résistance. Le général Turreau lui-même reconnaît dans une lettre au Comité de Salut public datée du 8 mars que "les brigands semblent renaître de leurs cendres". L'émergence de nouveaux chefs vendéens comme Stofflet et Charette, qui réorganisent la résistance en s'appuyant sur l'exaspération des populations, démontre l'échec stratégique du plan. Parallèlement, à Paris, le contexte politique évolue. Les luttes de faction au sein du gouvernement révolutionnaire, qui conduiront à l'élimination des Hébertistes en mars puis des Dantonistes en avril, modifient l'équilibre des forces. Le Comité de Salut public, sous l'influence de Lazare Carnot chargé des questions militaires, commence à privilégier une approche plus ciblée de la lutte contre-révolutionnaire. Le 23 avril 1794, un arrêté suspend officiellement l'exécution des mesures les plus extrêmes préconisées par Turreau et ordonne de distinguer plus nettement entre rebelles armés et population civile. La destitution de Turreau intervient finalement le 13 mai 1794. Elle n'est pas explicitement motivée par la brutalité de ses méthodes, mais plutôt par son incapacité à obtenir des résultats décisifs. Son remplacement par le général Vimeux marque un tournant dans la gestion du conflit vendéen. Les colonnes infernales sont progressivement dissoutes et remplacées par un dispositif de "camps retranchés" visant à contrôler le territoire de façon plus statique. Dans les semaines suivantes, plusieurs commandants de colonnes sont également relevés de leurs fonctions, comme le général Huché, arrêté le 30 mai suite à des accusations d'excès. L'évolution du discours officiel est significative . On passe lentement d'une rhétorique d'extermination à un appel à la réconciliation. Cette inflexion se confirme après Thermidor (27 juillet 1794), avec la chute de Robespierre et l'entrée dans une phase d'apaisement relatif. La Convention thermidorienne adoptera une politique plus conciliatrice qui aboutira, un an plus tard, aux traités de La Jaunaye (17 février 1795) accordant aux Vendéens la liberté de culte et l'exemption de service militaire. Le Puy du Fou : un site marqué par le passage des colonnes infernales Le domaine du Puy du Fou, situé dans la commune des Epesses en Vendée, porte profondément l'empreinte historique des événements traumatiques de 1793-1794. Ce lieu n'a pas été choisi par hasard pour l'implantation du parc à thème qui l'occupe aujourd'hui, car il s'agit d'un terrain imprégné d'histoire, directement touché par le passage des colonnes infernales lors de la répression contre-révolutionnaire. Les archives historiques attestent que la région du Puy du Fou a subi de plein fouet la violence des troupes républicaines. En février 1794, la colonne commandée par le général Crouzat a traversé le secteur des Epesses dans sa progression destructrice. Le château du Puy du Fou a été incendié comme de nombreuses demeures aristocratiques de la région. Les villages environnants ont également été ravagés, et la population locale a payé un lourd tribut à la répression. Les registres paroissiaux de l'époque, bien que lacunaires, témoignent d'une chute démographique brutale dans la paroisse des Epesses entre 1793 et 1795. La toponymie locale garde également la trace de ces événements tragiques. À proximité du site actuel du parc, plusieurs lieux-dits évoquent la mémoire des massacres : "Le Champ des Martyrs", "La Croix des Massacrés" ou encore "Le Chemin des Bleus" (surnom donné aux soldats républicains en raison de la couleur de leur uniforme). Ces noms, transmis de génération en génération, ont contribué à maintenir vivace la mémoire des exactions commises par les colonnes infernales. Cette histoire tragique a certainement influencé le choix de Philippe de Villiers lorsqu'il a décidé d'implanter son parc historique en ce lieu précis. Le Puy du Fou n'est pas seulement un espace de divertissement, mais aussi un lieu de mémoire l'histoire vendéenne est préservée et transmise à travers une lecture particulière des événements révolutionnaires. La présence des ruines authentiques du château incendié au cœur du parc matérialise ce lien direct avec les événements historiques et ancre les représentations spectaculaires dans un cadre qui fut réellement témoin des tragédies évoquées. La représentation des colonnes infernales dans les spectacles du Puy du Fou Le Puy du Fou, créé en 1977 par Philippe de Villiers, s'est imposé comme l'un des parcs à thème les plus fréquentés de France en proposant des spectacles immersifs qui mettent en scène l'histoire nationale. Parmi les différentes périodes représentées, la Révolution française et particulièrement l'épisode des guerres de Vendée occupent une place centrale dans la narration proposée aux visiteurs. La représentation des colonnes infernales s'inscrit dans cette mise en scène mémorielle qui allie rigueur historique et parti pris interprétatif. Dans le spectacle "Le Dernier Panache", créé en 2016, les colonnes infernales font l'objet d'une évocation saisissante. Ce spectacle retrace l'histoire de François Athanase Charette de la Contrie, officier de marine devenu l'un des principaux chefs de l'insurrection vendéenne. Les scènes représentant la répression républicaine sont parmi les plus spectaculaires : sur une scène tournante à 360 degrés, le public assiste à l'incendie de villages reconstitués, tandis que des effets sonores et visuels suggèrent les massacres perpétrés par les soldats en uniforme bleu. Sans montrer explicitement les violences les plus extrêmes, la mise en scène parvient à évoquer l'horreur des exactions à travers une chorégraphie soigneusement élaborée qui oppose la brutalité méthodique des colonnes républicaines à la détresse des populations civiles. La Cinéscénie : point culminant de l'évocation des colonnes infernales La Cinéscénie du Puy du Fou constitue le spectacle emblématique du parc depuis sa création en 1978. Ce spectacle nocturne, présenté comme "le plus grand spectacle de nuit au monde", se déroule sur une scène à ciel ouvert de 25 hectares et mobilise plus de 4500 acteurs bénévoles, habitants de la région. C'est dans ce cadre grandiose que l'épisode des colonnes infernales connaît sa représentation la plus spectaculaire et la plus émouvante. La narration de la Cinéscénie suit l'histoire d'une famille vendéenne fictive, les Maupillier, à travers sept siècles d'histoire. La section consacrée à la période révolutionnaire occupe une place centrale dans le spectacle, tant par sa durée que par son intensité dramatique. La séquence des colonnes infernales s'ouvre sur l'arrivée des soldats républicains, reconnaissables à leurs uniformes bleus et leurs drapeaux tricolores. Le contraste est saisissant entre la vie paisible du village reconstitué sur les rives du lac et l'irruption brutale des troupes révolutionnaires. L'utilisation des effets spéciaux atteint ici son paroxysme : des systèmes pyrotechniques sophistiqués font littéralement flamber les bâtiments, tandis que des projections vidéo sur des écrans d'eau géants amplifient l'impression d'un embrasement généralisé. La mise en scène de la Cinéscénie ne se contente pas de représenter la violence physique des colonnes infernales. Elle insiste également sur la dimension idéologique et religieuse du conflit. La narration qui accompagne ces scènes, diffusée par un système sonore puissant, ne laisse aucune ambiguïté sur l'interprétation proposée des événements. Le texte, écrit par Philippe de Villiers lui-même, qualifie explicitement les actions des colonnes infernales de "génocide" et évoque "la première guerre totalitaire de l'histoire moderne". Cette dramatisation intense, servie par des moyens techniques impressionnants, constitue sans doute l'une des représentations les plus marquantes et les plus accessibles au grand public de cet épisode historique controversé, contribuant fortement à façonner la mémoire collective contemporaine des guerres de Vendée. Conclusion : L'impact mémoriel des colonnes infernales au Puy du Fou La représentation des colonnes infernales au Puy du Fou illustre parfaitement l'interaction complexe entre histoire, mémoire et spectacle dans la construction des imaginaires collectifs. En transformant un épisode historique traumatique en une expérience immersive accessible au grand public, le parc vendéen joue un rôle considérable dans la transmission et la perpétuation d'une certaine mémoire de la Révolution française. Avec plus de 2,3 millions de visiteurs annuels, dont une proportion importante d'élèves en sorties scolaires, l'influence du Puy du Fou sur la perception contemporaine des guerres de Vendée est indéniable. L'évocation des colonnes infernales dans les spectacles du parc participe à la construction d'une contre-mémoire qui s'oppose au récit républicain traditionnel de la Révolution française. En mettant l'accent sur les souffrances des populations vendéennes et en qualifiant explicitement les événements de "génocide", le Puy du Fou contribue à réhabiliter une mémoire longtemps marginalisée dans l'historiographie officielle. Cette démarche s'inscrit dans un mouvement plus large de reconnaissance des "victimes de l'histoire" qui caractérise l'évolution des sensibilités mémorielles depuis les années 1980. Cette vision particulière de l'histoire vendéenne proposée par le Puy du Fou a également des répercussions sur le plan politique et territorial. En ancrant fortement l'identité régionale dans la mémoire des guerres de Vendée, le parc contribue à façonner un sentiment d'appartenance collective distinctif. Pour de nombreux Vendéens contemporains, les exactions des colonnes infernales constituent un événement fondateur qui justifie une certaine défiance vis-à-vis du centralisme étatique et une valorisation des traditions locales. Cette dimension identitaire se manifeste notamment lors des commémorations officielles organisées chaque année dans plusieurs communes vendéennes touchées par les colonnes infernales.