Avec
les
jeunes
lavandières,
au
bord
de
l'étang,
les
soirs
de
représentations,
je
voudrais
évoquer
ces
femmes
"dau daué" (du lavoir) comme on les appelait toujours chez nous.
Toute
la
journée,
courbées
sur
leur
garde-genoux
on
les
voyait
tremper
le
linge
pour
le
savonner
et
le
brosser.
De temps en temps, elles soulevaient la lourde étoffe humide qu'elles tordaient et battaient fortement.
Je les revois remontant de la rivière…
La petite roue de la brouette à barreaux de bois grinçait à chaque tour.
La côte était rude. Les matins d'hiver, les mains leur faisaient mal dans l'eau glacée.
Elles se les réchauffaient parfois devant un brasero en buvant un vin chaud sucré.
Dans les bourgs, on admirait ces femmes courageuses qui exerçaient, sans relâche, ce métier pénible.
Mais ces femmes "dau doué", c'était un monde.
N'avaient-elles pas la réputation de savoir les tous les potins du jour ?
Souvent disait-on "en lavant le linge, elles lavaient leur client" !
Tout était prétexte à ce genre de bavardage.
La réussite ou l'échec, l'infortune, la souffrance et même la misère des autres..
Et c'est pourquoi, on les voyait se défouler en frappant de plus en plus fort sur le linge avec leur "bâton".
Ah, ce n'était pas rien, disait-on encore de passer par la goule dans femmes "dau doué".
On arrivait toujours de bonne heure au lavoir pour prendre la meilleurs place et … peut-être aussi… pour connaître les premières nouvelles du jour.
Parfois
des
disputes
éclataient…
on
s'insultait
pour
une
place
convoitée,
là
où
l'eau
coulait
clair,
où
la
pierre
de
granit
était
plus
belle,
pour
donner
à
la
brosse
un
meilleur
rendement.
Chez nous à la ferme, nous n'avions pas de laveuses attitrées.
Les
femmes
de
la
maisonnée
participaient
toutes
à
la
"grande
lessive"
qui
se
faisait
chaque
année,
en
avril
et en octobre.
Dans
les
fermes,
deux
ou
trois
"pômes"
à
buée
servaient
à
leur
faire
bouillir
les
draps,
avec
la
cendre
tamisée du four à pain.
Pur les faire sécher, on étendait les draps dans les grandes prairies lavée par les pluies.
Le
reste
du
linge
était
lavé
dans
une
fosse
alimentée
par
la
source
d'une
fontaine
dans
le
"pâtis"
derrière
notre ferme.
Nous ne reverrons plus les lavandières.
Nous n'entendrons plus leurs voix allègres couvertes par le bâton.
Mais
grâce
à
la
restauration
de
certains
lavoirs,
il
nous
sera
encore
possible
de
leur
rendre
hommage
et
d'imaginer leur dur métier d'autrefois…
J. Maupillier (Garde)