Introduction : Clotilde, une figure marquante de l'histoire franque Clotilde (vers 474-545), épouse du roi franc Clovis Ier, constitue une figure essentielle dans l'histoire de France et dans la christianisation de l'Europe occidentale. Princesse burgonde devenue reine des Francs, son influence a transcendé son époque pour façonner durablement le paysage politique et religieux du royaume franc. Ce document explore la vie remarquable de cette femme d'exception, depuis ses origines aristocratiques jusqu'à sa canonisation, en examinant son rôle déterminant dans la conversion de Clovis au christianisme, événement fondateur qui orienta le destin de la future France. À travers son parcours se dessine le portrait d'une femme de pouvoir, de foi et de résilience, qui sut naviguer les eaux troubles d'une époque de transition entre l'Antiquité et le Moyen Âge. Les origines de Clotilde Née vers 474 dans le royaume des Burgondes, Clotilde (parfois orthographiée Clothilde ou Chlothilde) était issue d'une lignée royale prestigieuse. Fille du roi Chilpéric II de Burgondie et de sa femme Caretène, elle grandit au sein d'une famille aristocratique établie dans la région correspondant aujourd'hui à la Suisse occidentale et à la Savoie. Le royaume burgonde, peuple germanique romanisé, constituait alors l'une des principales entités politiques de la Gaule post-romaine. L'enfance de Clotilde fut marquée par une tragédie familiale aux conséquences déterminantes. Son oncle Gondebaud, dans sa quête de pouvoir, assassina son père Chilpéric et fit noyer sa mère avec une pierre attachée au cou. Cet événement traumatisant laissa Clotilde orpheline, ainsi que sa sœur Chrona (qui deviendra plus tard religieuse). Les deux princesses furent épargnées et élevées à la cour de leur oncle Gondebaud, désormais roi des Burgondes. Malgré ces circonstances tragiques, Clotilde reçut une éducation soignée, conforme à son rang royal. Fait remarquable pour cette époque, elle fut élevée dans la foi catholique nicéenne, alors que la plupart des peuples germaniques, y compris les Burgondes au pouvoir, avaient adopté l'arianisme (doctrine chrétienne considérée comme hérétique par l'Église de Rome). Cette éducation catholique, probablement influencée par sa mère Caretène, connue pour sa piété, jouera un rôle crucial dans son destin et dans l'histoire du royaume franc. La beauté, l'intelligence et la ferveur religieuse de la jeune princesse étaient réputées dans toute la région. Ces qualités, associées à son rang royal, en faisaient une candidate de choix pour une alliance matrimoniale stratégique, dans un contexte les mariages princiers constituaient un outil diplomatique essentiel dans les relations entre royaumes germaniques émergents. Le mariage avec Clovis Ier Vers 493, Clovis Ier, roi des Francs saliens depuis 481, cherchait à consolider son pouvoir en Gaule par une alliance matrimoniale prestigieuse. Âgé d'environ 27 ans, ce souverain ambitieux avait déjà étendu considérablement son territoire et cherchait à renforcer sa légitimité. Selon Grégoire de Tours, principal chroniqueur de cette période, Clovis entendit parler de la beauté et des vertus de Clotilde et décida de l'épouser, malgré les tensions existantes avec le royaume burgonde. Les circonstances exactes de cette union restent entourées d'un voile légendaire. D'après les récits traditionnels, Clovis aurait envoyé un émissaire nommé Aurélien, déguisé en mendiant, pour approcher secrètement Clotilde et lui remettre son anneau en gage de sa demande en mariage. Impressionnée par la réputation du roi franc et peut-être désireuse d'échapper à la cour de l'assassin de ses parents, Clotilde aurait accepté cette proposition. Elle se serait ensuite enfuie précipitamment de Burgondie, craignant que son oncle Gondebaud ne s'oppose à cette union qui renforcerait un potentiel rival. Au-delà de ces aspects romanesques, ce mariage représentait avant tout une alliance politique stratégique. Pour Clovis, épouser une princesse burgonde catholique permettait d'établir des liens avec une puissance voisine tout en se rapprochant potentiellement de l'aristocratie gallo-romaine majoritairement catholique. Pour Gondebaud, cette alliance avec le royaume franc en pleine expansion offrait une sécurité relative, même si elle renforçait un concurrent potentiel. Les noces furent célébrées avec faste, probablement à Soissons, capitale du royaume de Clovis. Ce mariage marqua le début d'une nouvelle ère dans l'histoire des Francs, car l'influence de Clotilde allait bientôt se révéler déterminante, bien au-delà des considérations dynastiques habituelles. En épousant Clovis, Clotilde devenait non seulement reine des Francs, mais aussi un vecteur d'introduction du catholicisme au sein de ce peuple encore largement païen. L'influence de Clotilde sur la conversion de Clovis L'apport le plus significatif de Clotilde à l'histoire française réside sans conteste dans son rôle crucial dans la conversion de Clovis au christianisme catholique. Dès les premiers temps de leur union, la pieuse reine entreprit de convertir son époux païen à sa foi. Grégoire de Tours rapporte qu'elle " ne cessait de prêcher à son mari qu'il devait reconnaître le vrai Dieu et abandonner ses idoles ". Cette entreprise s'avéra initialement difficile, Clovis restant attaché aux divinités germaniques traditionnelles de son peuple. Un premier pas fut franchi lorsque Clotilde obtint de faire baptiser leur premier fils, Ingomer. Malheureusement, l'enfant mourut peu après son baptême, ce que Clovis interpréta comme une punition de ses dieux abandonnés. Malgré ce revers, Clotilde persévéra et fit également baptiser leur second fils, Clodomir. Lorsque celui-ci tomba également malade, Clovis craignit une répétition du funeste destin de son premier-né, mais les prières ferventes de Clotilde auraient permis la guérison de l'enfant, constituant ainsi un premier signe favorable envers le Dieu des chrétiens. " Si tu invoques mon Dieu et que tu crois en lui de tout ton cœur, il te donnera la victoire sur tes ennemis . " - Paroles attribuées à Clotilde avant la bataille de Tolbiac L'événement décisif survint lors de la bataille de Tolbiac (vers 496) contre les Alamans. Se trouvant en difficulté face à ses adversaires, Clovis aurait, selon la tradition, invoqué le "Dieu de Clotilde" en promettant de se convertir s'il remportait la victoire. Ayant triomphé des Alamans, Clovis tint sa promesse et reçut le baptême des mains de saint Rémi, évêque de Reims, probablement à Noël 498 (ou 496 selon certaines sources). Avec lui, environ 3 000 guerriers francs se convertirent également, marquant le début de l'évangélisation du royaume. Cette conversion, bien que certainement motivée par des considérations politiques - notamment l'intérêt de s'allier avec l'Église et la population gallo-romaine majoritairement catholique - fut profondément influencée par l'action persévérante de Clotilde. En faisant de son époux le premier grand souverain germanique à adopter le catholicisme nicéen (et non l'arianisme comme la plupart des autres rois germaniques), Clotilde contribua décisivement à façonner l'identité religieuse et culturelle de la future France, tout en consolidant l'alliance entre la monarchie franque et l'Église catholique qui caractérisera l'histoire médiévale française. Clotilde en tant que reine des Francs En tant que reine des Francs, Clotilde occupa une position d'influence considérable au sein du royaume mérovingien en pleine construction. Son rôle dépassait largement celui d'une simple épouse royale pour s'apparenter à celui d'une véritable partenaire politique. Bien que les sources contemporaines ne détaillent pas exhaustivement ses activités quotidiennes, plusieurs éléments permettent d'appréhender l'étendue de son pouvoir et de ses responsabilités. Après la conversion de Clovis, Clotilde joua un rôle essentiel dans l'établissement et le renforcement des liens entre la dynastie mérovingienne naissante et l'Église catholique. Elle encouragea la construction d'édifices religieux et contribua à l'installation de communautés monastiques dans le royaume. La basilique des Saints-Apôtres (future Sainte-Geneviève) à Paris, construite à l'initiative du couple royal, témoigne de cet engagement. Selon certaines sources, elle aurait également influencé la politique ecclésiastique de Clovis, notamment lors du concile d'Orléans en 511. Sur le plan politique, Clotilde semble avoir été associée à certaines décisions importantes du royaume. Sa connaissance des affaires burgondes constituait un atout diplomatique précieux pour Clovis dans ses relations avec ce royaume voisin. Son statut de princesse burgonde légitimait en partie les ambitions expansionnistes de son époux vers le sud-est de la Gaule. Par ailleurs, son éducation dans la tradition romaine et sa maîtrise probable du latin facilitaient les relations avec l'aristocratie gallo-romaine et l'administration héritée de l'Empire romain. La vie quotidienne de Clotilde en tant que reine comportait aussi la gestion du palais royal et de la maisonnée du roi. Elle supervisait probablement une partie des domaines royaux et veillait à l'éducation des enfants royaux. Les reines mérovingiennes disposaient généralement d'une "chambre" (camera) distincte de celle du roi, avec leur propre personnel et leurs propres ressources, leur conférant une certaine autonomie administrative et financière. La piété de Clotilde, loin d'être uniquement une affaire privée, constituait également un aspect public de son rôle de reine. Ses actes de charité, ses visites aux sanctuaires et ses dotations aux établissements religieux participaient à la construction de l'image royale et renforçaient la légitimité divine de la dynastie. Dans une société en transition entre traditions germaniques et héritage romain, Clotilde incarna un modèle de royauté chrétienne qui influença durablement les conceptions du pouvoir dans la Gaule mérovingienne. La maternité et les enfants de Clotilde La maternité constitua un aspect fondamental de la vie de Clotilde, tant sur le plan personnel que dynastique. De son union avec Clovis naquirent plusieurs enfants qui allaient jouer des rôles déterminants dans l'histoire du royaume franc. Cette descendance nombreuse assura la continuité de la dynastie mérovingienne tout en cristallisant certaines tensions qui marqueraient l'histoire post- clovisienne. Le premier fils du couple royal, Ingomer , mourut en bas âge peu après son baptême, autour de 494. Cet événement tragique faillit compromettre les efforts de Clotilde pour convertir son époux, Clovis voyant dans cette mort prématurée une punition des dieux païens qu'il vénérait. Malgré ce revers, Clotilde donna naissance à plusieurs autres enfants qui atteignirent l'âge adulte. Clodomir (495-524) Deuxième fils et futur roi d'Orléans. Mourut lors d'une campagne contre les Burgondes, laissant trois fils qui devinrent enjeux de luttes successorales. Deux d'entre eux furent assassinés par leurs oncles Childebert et Clotaire, tandis que le troisième, Clodoald (Saint Cloud), échappa au massacre en devenant moine. Childebert Ier (496-558) Troisième fils, devint roi de Paris. Plus proche de sa mère que ses frères, il collabora néanmoins au meurtre des enfants de Clodomir. Finit par se réconcilier avec Clotilde et fonda avec elle plusieurs institutions religieuses. Clotaire Ier (497-561) Quatrième fils, initialement roi de Soissons. Personnage ambitieux et sans scrupules, il élimina progressivement tous ses rivaux pour réunifier le royaume franc en 558. Il épousa successivement six femmes, dont Radegonde qui, maltraitée, quitta la cour pour fonder un monastère. Clotilde la Jeune (502-531) Unique fille survivante, mariée au roi wisigoth Amalaric. Maltraitée par son époux arien en raison de sa foi catholique, elle appela son frère Childebert à l'aide. Celui-ci mena une expédition pour la secourir, mais elle mourut sur le chemin du retour. En tant que mère, Clotilde veilla particulièrement à l'éducation chrétienne de ses enfants. Cette transmission de la foi constituait pour elle un devoir essentiel, prolongeant l'œuvre de christianisation qu'elle avait initiée avec la conversion de Clovis. L'historien Grégoire de Tours évoque l'affection profonde qu'elle portait à ses enfants, notamment à sa fille Clotilde la Jeune dont le destin malheureux l'affecta profondément. Paradoxalement, cette même femme qui avait œuvré pour christianiser le royaume se trouva confrontée aux conséquences tragiques des rivalités entre ses fils après la mort de Clovis. La tradition mérovingienne du partage égalitaire du royaume entre les héritiers mâles généra des tensions fratricides que même l'influence maternelle ne put contenir. L'assassinat de deux de ses petits-fils par ses propres fils, Childebert et Clotaire, constitua sans doute l'une des plus grandes douleurs de sa vie, illustrant les contradictions d'une époque où piété chrétienne et violence politique coexistaient étroitement. Le rôle de Clotilde après la mort de Clovis En 511, la mort de Clovis à l'âge d'environ 45 ans marqua un tournant dans la vie de Clotilde. Conformément à la tradition franque, le royaume fut divisé entre les quatre fils survivants du roi défunt : Thierry (né d'une précédente union), Clodomir, Childebert et Clotaire. Cette période de transition s'avéra délicate, tant pour la stabilité du royaume que pour la position personnelle de Clotilde qui, à environ 37 ans, se retrouvait veuve et devait redéfinir son rôle. Contrairement à d'autres reines mérovingiennes qui se remarièrent ou furent écartées du pouvoir, Clotilde choisit de se retirer partiellement de la vie politique active. Elle s'installa principalement à Tours, près du sanctuaire de Saint-Martin, l'un des lieux de pèlerinage les plus importants de la Gaule, tout en conservant des résidences à Paris. Ce choix témoigne à la fois de sa piété profonde et d'une stratégie politique avisée : en se plaçant sous la protection symbolique du saint le plus vénéré du royaume, elle maintenait une forme d'autorité morale. Malgré ce retrait relatif, Clotilde continua d'exercer une influence considérable sur ses fils et sur les affaires du royaume. Les sources contemporaines suggèrent qu'elle tentait de maintenir une forme d'unité entre ses héritiers et veillait à la préservation de l'héritage politique et religieux de Clovis. Son rôle de conseillère, particulièrement auprès de son fils Childebert qui régnait sur Paris, est attesté par plusieurs documents d'époque. Un épisode particulièrement dramatique marqua cette période : après la mort de Clodomir en 524, ses trois jeunes fils furent confiés à leur grand-mère Clotilde qui espérait préserver leurs droits à l'héritage paternel. Mais ses fils Childebert et Clotaire, dans une manœuvre d'une grande brutalité, assassinèrent deux des enfants (Thibault et Gonthaire) pour s'approprier les territoires de leur frère défunt. Seul le troisième, Clodoald (futur saint Cloud), échappa au massacre en se réfugiant dans la vie monastique. Cette tragédie familiale affecta profondément Clotilde qui, selon Grégoire de Tours, se brouilla temporairement avec ses fils parricides. Elle approfondit alors son engagement religieux, consacrant une part croissante de ses ressources et de son énergie à des fondations pieuses et à des œuvres de charité. Toutefois, les sources suggèrent qu'une réconciliation eut lieu ultérieurement, particulièrement avec Childebert qui collabora avec sa mère dans plusieurs fondations religieuses importantes. La vie pieuse et les œuvres caritatives de Clotilde Dans ses dernières décennies, Clotilde se consacra avec une ardeur croissante à la vie religieuse et aux œuvres de charité, incarnant l'idéal de la veuve chrétienne tel que le définissaient les Pères de l'Église. Cette période de sa vie, bien que moins documentée que son rôle politique auprès de Clovis, a profondément marqué la mémoire collective et contribué à sa future canonisation. Installée principalement à Tours, près de la basilique Saint-Martin, Clotilde adoptait un mode de vie proche de l'ascétisme monastique. Les hagiographes décrivent ses longues heures de prière, ses jeûnes réguliers et sa participation assidue aux offices liturgiques. Cette intense dévotion s'accompagnait d'une générosité remarquable envers les pauvres, les malades et les pèlerins qui affluaient vers le sanctuaire martinien. Sa résidence royale fonctionnait en partie comme un centre d'accueil et d'assistance pour les nécessiteux. L'action charitable de Clotilde s'étendait bien au-delà de Tours. Grâce à son douaire considérable (les biens personnels garantis à la reine en cas de veuvage) et à l'influence qu'elle conservait, elle put financer et promouvoir de nombreuses fondations religieuses à travers le royaume. Parmi ses réalisations les plus notables figure l'achèvement de la basilique des Saints-Apôtres à Paris (commencée avec Clovis et qui deviendra plus tard Sainte- Geneviève), conçue comme nécropole royale et comme symbole de la nouvelle alliance entre la monarchie franque et l'Église catholique. Clotilde contribua également à la fondation ou au développement de plusieurs monastères féminins, créant ainsi des espaces de pouvoir et d'expression pour les femmes de l'aristocratie franque et gallo-romaine. C es institutions jouèrent un rôle crucial dans la préservation de la culture écrite, l'éducation des jeunes filles nobles et la diffusion des pratiques chrétiennes dans la société mérovingienne. Elle soutint particulièrement les communautés suivant la règle de saint Césaire d'Arles, favorisant ainsi l'implantation du monachisme provençal en Gaule du Nord. Son action philanthropique s'inscrivait également dans une politique de réconciliation entre populations d'origines diverses. En soutenant financièrement des institutions qui accueillaient indifféremment Francs et Gallo-Romains, elle contribuait à l'intégration progressive des élites et à la construction d'une identité commune. Cette dimension unificatrice se retrouvait aussi dans sa promotion du culte de saints universellement reconnus comme Martin de Tours, vénéré tant par les populations romaines que par les nouveaux convertis germaniques. Au-delà de ces initiatives concrètes, Clotilde exerçait une influence morale considérable comme conseillère spirituelle. Plusieurs récits contemporains évoquent son rôle de médiatrice et de pacificatrice, intervenant notamment pour tempérer les conflits entre ses fils ou pour encourager des politiques plus clémentes envers les populations soumises. Sa sagesse, fruit d'une vie marquée par des triomphes mais aussi par de profondes tragédies personnelles, était recherchée par les grands du royaume, contribuant à façonner une conception chrétienne du pouvoir dans cette période charnière entre Antiquité et Moyen Âge. L'héritage et la canonisation de Clotilde Clotilde s'éteignit à Tours le 3 juin 545, après avoir consacré plus de trois décennies de sa vie au veuvage pieux et aux œuvres charitables. Conformément à ses vœux, elle fut inhumée à Paris dans la basilique des Saints-Apôtres (future Sainte-Geneviève) qu'elle avait contribué à édifier avec Clovis, rejoignant ainsi son époux dans la nécropole dynastique. Sa disparition fut largement pleurée, non seulement par la famille royale mais aussi par les nombreuses communautés religieuses et les populations qu'elle avait soutenues. La vénération populaire pour Clotilde commença presque immédiatement après sa mort. Les récits de guérisons miraculeuses et d'intercessions efficaces attribuées à son intervention se multiplièrent autour de sa sépulture, faisant naître un culte spontané. Si la date exacte de sa canonisation formelle reste incertaine les procédures n'étant pas encore centralisées par Rome à cette époque il est établi que son culte était officiellement reconnu dès le VIIe siècle. Le 3 juin, jour anniversaire de sa mort, fut institué comme sa fête liturgique dans le calendrier catholique. Les hagiographies médiévales ont généralement présenté Clotilde comme le modèle parfait de la reine chrétienne : pieuse, charitable, influente mais humble, capable de convertir un époux païen tout en supportant avec dignité les épreuves personnelles. Cette image idéalisée a parfois occulté la dimension politique de son action et la complexité d'une personnalité qui sut naviguer avec habileté dans les eaux troubles de la Gaule post-romaine. Héritage religieux Contribution décisive à la conversion des Francs au catholicisme plutôt qu'à l'arianisme, orientation qui distinguera le royaume franc des autres royaumes germaniques et influencera profondément l'histoire religieuse européenne. Fondation de nombreux établissements religieux qui deviendront des centres culturels et spirituels majeurs. Héritage politique Modèle d'alliance entre pouvoir royal franc et Église catholique qui caractérisera la monarchie française pendant plus d'un millénaire. Contribution à la légitimation de la dynastie mérovingienne par la dimension sacrée. Prototype de la reine influente, conseillère du roi et protectrice de l'Église. Héritage culturel Figure inspiratrice dans la littérature, l'art et l'histoire nationale française. Présence dans de nombreuses œuvres médiévales et modernes. Nombreuses églises, institutions et lieux portant son nom à travers la France et l'Europe. Sainte patronne des notaires, des parents d'enfants difficiles et des victimes de trahison. Au fil des siècles, la figure de Clotilde a été régulièrement invoquée lors des moments cruciaux de l'histoire française. Lors du baptême de Clovis à Reims en 498/496, le baptistère fut baptisé Clovis devint un lieu de mémoire nationale, et l'influence de Clotilde sur cet événement fut constamment soulignée. Au Moyen Âge, plusieurs reines de France s'inspirèrent explicitement de son exemple, notamment Blanche de Castille, mère de Saint Louis. À l'époque moderne, Louis XIII consacra officiellement le royaume de France à la Vierge Marie en 1638, rappelant l'acte fondateur de Clovis et Clotilde. La Révolution française porta un coup sévère au culte de sainte Clotilde, sa sépulture étant profanée lors de la destruction de l'église Sainte-Geneviève transformée en Panthéon. Cependant, dès le XIXe siècle, un renouveau d'intérêt se manifesta pour cette figure historique, tant dans l'historiographie que dans la dévotion populaire. L'église Sainte-Clotilde de Paris, consacrée en 1857, témoigne de cette renaissance. Aujourd'hui encore, Clotilde reste présente dans la mémoire collective française comme l'une des figures féminines fondatrices de l'identité nationale, au carrefour du pouvoir politique et de l'influence spirituelle. Conclusion : L'importance historique de Clotilde dans la France médiévale Au terme de ce parcours biographique, l'importance historique de Clotilde apparaît dans toute son ampleur. Loin d'être simplement "l'épouse de Clovis", cette princesse burgonde devenue reine des Francs s'affirme comme une actrice majeure de la transition entre l'Antiquité tardive et le haut Moyen Âge européen. Son influence, tant sur le plan religieux que politique et culturel, a contribué de façon décisive à façonner le visage de la future France et, plus largement, de l'Europe occidentale. L'apport le plus évident et le plus célébré de Clotilde reste son rôle dans la conversion de Clovis au catholicisme. En convaincant son époux d'adopter la foi «nicéenne» plutôt que l'arianisme (considéré comme hérétique), elle a orienté le royaume franc dans une direction religieuse qui le distinguait des autres royaumes germaniques contemporains. Cette décision théologique apparemment abstraite eut des conséquences concrètes immenses : elle facilita l'intégration entre conquérants francs et population gallo-romaine, établit une alliance durable entre la monarchie et l'Église catholique, et positionna le royaume franc comme le champion de l'orthodoxie en Occident. Femme de foi Éducation catholique dans un milieu majoritairement arien. Persévérance dans la conversion de Clovis malgré les revers initiaux. Vie de piété exemplaire comme veuve. Fondations religieuses nombreuses. Femme de pouvoir Navigation habile entre traditions burgondes et franques. Influence politique significative, tant comme reine que comme reine-mère. Gestion efficace de son douaire et de ses propriétés. Autorité morale reconnue. Femme de résilience Survie au meurtre de ses parents. Adaptation à la culture franque. Endurance face aux tragédies familiales (mort d'enfants, conflits entre ses fils). Capacité à maintenir son influence malgré les bouleversements politiques. Figure fondatrice Rôle dans l'événement pivot du baptême de Clovis. Contribution à l'établissement d'un modèle de royauté chrétienne. Exemple pour les générations suivantes de reines. Canonisation reconnaissant son importance historique et spirituelle. Au-delà de cet aspect religieux, Clotilde incarna un nouveau modèle de royauté féminine qui influencerait durablement les conceptions médiévales du pouvoir. Ni simple consort décorative, ni régente temporaire, elle définit un espace d'action politique propre aux reines, combinant influence indirecte sur les décisions royales, médiation entre factions rivales, patronage religieux et culturel, et autorité morale. Ce modèle, enrichi par ses successeures comme Bathilde ou Radegonde, contribua à façonner une tradition spécifiquement occidentale de pouvoir féminin, moins visible que celui des hommes mais souvent tout aussi efficace. L'héritage de Clotilde se manifeste également dans le domaine culturel. Par son soutien aux institutions monastiques et aux centres d'études, elle participa à la préservation et à la transmission de la culture antique dans le monde médiéval naissant. Les abbayes et monastères qu'elle fonda ou soutint devinrent des foyers intellectuels s'élabora la synthèse entre traditions germaniques et héritage gréco- romain qui caractérise la civilisation médiévale européenne. À la croisée des mondes romain et germanique, catholique et païen (puis arien), Clotilde apparaît comme une figure de synthèse et de transition, incarnant la complexe métamorphose qui vit naître la civilisation médiévale des ruines de l'Antiquité. Sa vie illustre parfaitement les continuités et les ruptures de cette période charnière, souvent mal comprise mais fondamentale pour saisir la genèse de l'Europe moderne. En ce sens, l'étude de son parcours offre bien plus qu'un simple chapitre de l'histoire des reines : elle constitue une clé de compréhension essentielle des origines de la France et de l'identité européenne. Le christianisme nicéen, selon la terminologie des historiens modernes, est le christianisme ancien de l'Église du premier millénaire tel qu'il fut défini au premier concile de Nicée en 325. L’arianisme : Doctrine professée par Arius et ses disciples qui est fondée sur la négation de la divinité de Jésus. Cette hérésie, qui touche un point essentiel de la foi chrétienne: «la divinité de Jésus», a été condamnée par le concile de Nicée en 325.