Le spectacle des Vikings représente les moines de Noirmoutier fuyant devant l'invasion des Normands et cherchant sur le continent un refuge pour les restes de Philibert. L'évocation des atrocités et des profanations commises par les envahisseurs s'inspire du récit d'Ermentaire de Noirmoutier, également appelé Ermentarius Tornusiensis (xxx- 860). La mise en scène renforce l'émotion en jouant sur l'amplification épique, les détails pathétiques du récit mais aussi sur le ton et la gestuelle du moine traumatisé. Pour illustrer les vertus thaumaturges des reliques, des prodiges spectaculaires sont représentés. Sous les yeux médusés des Normands déjà subjugués par un triple jet de flammes gigantesques, le reliquaire jeté dans le fleuve refait surface. Saint Philibert revêtu des attributs de Père Abbé s'en extrait avec dignité, puis après avoir béni les Vikings miraculeusement convertis, disparaît mystérieusement dans l'envol d'une colombe. Dans l'intervalle, la résurrection de l'enfant noyé rendu à sa mère éplorée évoque les scènes miraculeuses des vies de Saint Nicolas ou Saint Christophe telles que La Légende Dorée les popularisa au XIIIème siècle. Cependant, au-delà du recours au merveilleux chrétien caractéristique des hagiographies (écriture de la vie ou œuvre des saints) médiévales, les miracles de Saint Philibert dans le spectacle des Vikings retracent de façon symbolique l'action missionnaire des moines du Haut Moyen-âge et l'évangélisation des Normands par le biais de l'adhésion de leurs chefs à la religion chrétienne. C'était il y a 1200 ans ! L'histoire nous est contée par un texte très ancien, la Vita Sancti Filiberti (Vie de St Philbert) écrite au VIIème siècle, sans doute par un moine anonyme de Jumièges, et réécrite par un moine de Noirmoutier appelé ERMENTAIRE vers 853-854. L'orthographe exacte serait FILIBERT, selon les premiers textes connus. Mais cette écriture a varié suivant l'humeur des copistes, ou les traditions régionales : FILBERT - PHILIBERT - PHILBERT - PHILEBERT - PHLIBERT - PHLIBART - PHILIBART. Dans l'ouest de la France (Anjou, Normandie, Poitou et Vendée) on dit plus volontiers : PHILBERT. On attribue à son nom une origine germanique qui signifie : "Le très brillant". Philbert est né à EAUZE (Gers), capitale de l'Aquitaine au temps des rois mérovingiens, vers l'an 616. Il était fils d'un haut fonctionnaire royal qui s'appelait Philibaud. De sa mère l'histoire n'a pas retenu le nom. Son père fut nommé Evêque d'Aire (Landes) à la demande des habitants, en l'an 820. On en déduit qu'il était alors veuf, et donc que PHILBERT connut à peine sa mère. A 15 ans, on le destine à une carrière administrative, et PHILBERT s'en va à la Cour du Roi. La Cour de DAGOBERT est alors fastueuse. Elle est le creuset d'idées bouillonnantes en quête de renouveau de la société franque. Les extrêmes s'y côtoient, hommes rudes et brutaux comme EBROIN, gens pieux et instruits comme St ELOI. Très vite, PHILBERT se lie d'amitié avec WANDRILLE et OUEN (l'un devint Abbé, et l'autre Evêque de Rouen). Au bout de 5 ans, il renonça aux fastes de la Cour pour devenir moine à son tour. Il rentre alors au monastère de REBAIS (Seine-et-Marne) où il va passer 15 ans avant d'en devenir le Père Abbé, en 650. C'est alors qu'il voyage beaucoup d'une abbaye à l'autre en France, Italie, Bourgogne. Il va faire "provision d'expérience", non seulement à la recherche de la règle idéale pour ses futurs monastères, mais aussi en observant attentivement les réalités sociales, politiques et économiques de son temps. C'est une époque où la vie monastique fleurit. Les abbayes deviennent des hauts-lieux non seulement de la recherche de Dieu, mais aussi du travail intellectuel et manuel. Elles ont un fort impact sur les populations qu'elles évangélisent, instruisent et soignent. En 654, PHILBERT fonde lui-même sa propre abbaye, dans une boucle de la Seine, à JUMIEGES, dans la province de Normandie qui s'appelait alors la NEUSTRIE. L'importance des ruines actuelles de cette abbaye donne une idée de ce que dut être son rayonnement, quand on pense qu'elle fut capable d'accueillir jusqu'à 900 moines à la fin du VII' siècle. Poursuivi par la haine du Maire du Palais EBROIN, à qui il avait dit ses quatre vérités, PHILBERT fut d'abord emprisonné à Rouen, puis chassé, interdit de séjour ,à Jumièges. Il trouve asile alors, près de l'Évêque de Poitiers ANSOALD, qui lui confie l'île d'HERIO (Noirmoutier) en 675, avec quelques possessions intéressantes sur la côte : AMPENNUM (Beauvoir-sur­Mer) et DEAS (St-Philbert-de-Grand-Lieu). Mais à Noirmoutier, il n'arrive pas dans un endroit désert. Il existait déjà de petites communautés avec village, chapelle et nécropole (aux lieux dits actuellement St-Hilaire et St-André) et même une activité de sauniers à Luzéronde. Dans cette île, il va fonder un nouveau monastère, certes moins grandiose que celui de Jumièges, mais dont le rayonnement sera tout de même très important. Regain d'évangélisation des habitants, protection contre la mer (avec de nouvelles digues), utilisation de la mer (développement des marais salants, du commerce maritime et fluvial). Cet homme extraordinaire PHILBERT, à la fois moine retiré du monde, priant dans la solitude des forêts, ou près des rochers sur le rivage, fut en même temps homme de son temps, très impliqué dans la vie économique et le commerce, plantant ses monastères en des lieux stratégiques. Evincé de l'estuaire de la Seine, il se remet au travail dans l'estuaire de la Loire. Au bout de 10 ans, PHILBERT rendit son âme à Dieu, au milieu de ses moines et du peuple de Noirmoutier, le 20 août 685 (ou 687- 688). Aussitôt il devint SAINT PHILBERT, canonisé par la voix populaire. De suite, il fait l'objet d'un culte public qui se propage rapidement, de la Bretagne à la Gascogne. Aujourd'hui 25 diocèses de France célèbrent solennellement sa fête. Plus de 50 églises lui sont officiellement dédiées et, dans combien d'autres innombrables, des statues, des vitraux, des peintures attestent la vénération des fidèles. Des communes même portent son nom. En Vendée, St-Philbert-de-Bouaine et St-­Philbert-du-Pont-Charrault. Des abbayes lui doivent un nouveau rayonnement comme Luçon et St­Michel- en-l'Herm. Au lendemain de sa mort les miracles commencent. Les malades arrivent, toujours plus nombreux avec, parmi eux, beaucoup d'enfants et de femmes. Les miracles n'en finissent pas de se succéder et de se multiplier. La Vita Sancti Filiberti est intarissable sur ce sujet. Au IXème siècle les NORMANDS arrivent. L'abbaye de Noirmoutier est parmi les plus exposées. ERMENTAIRE écrit : " Ces barbares s'abattaient souvent sur le port de l'île, se conduisaient comme des gens féroces et dévastaient tout. Les habitants, suivant l'exemple de leur seigneur, préfèrent s'enfuir plutôt que de courir le risque d'une extermination ". On essaye bien de fortifier l'abbaye. Déjà on organise une situation de repli dans le monastère de DEAS (St- Philbert-de-Grand­lieu). Mais le péril grandit d'année en année, toujours à la belle saison, la mer est la plus calme. Aussi, en juin 836, la décision est prise, et le corps de SAINT PHILBERT quitte l'île de Noirmoutier où il reposait depuis 150 ans. Le lourd sarcophage de 2 tonnes, en marbre bleu des Pyrénées, va s'acheminer, par AMPENNUM (Beauvoir-sur-Mer) jusqu'à DEAS. il fallut modifier l'église monastique et lui adjoindre une crypte pour contenir le Saint Tombeau. Les reliques de SAINT PHILBERT vont reposer tranquillement dans l'abbatiale carolingienne pendant 22 ans. Puis il fallut fuir à nouveau. Dès 846, la communauté part à Cunault, domaine royal concédé par Charles-le- Chauve, en laissant les reliques à Déas, adroitement camouflées. Mais en 858, perdant tout espoir de retourner à Noirmoutier, ils décident d'aller chercher les reliques. Lors, on laissa sur place le lourd et encombrant sarcophage (qui s'y trouve toujours d'ailleurs), on plaça les ossements du SAINT dans une épaisse enveloppe de cuir, et furtivement on les achemina au petit monastère de Cunault, possession désormais de la communauté. Mais Cunault était trop proche de l'océan, et constituait une proie facile pour les NORMANDS, qui remontaient de plus en plus haut sur la Loire, toujours prêts à piller les monastères. Aussi, 4 ans plus tard, les moines vont fuir à nouveau, avec leurs précieuses reliques, avec toujours beaucoup de miracles, chemin faisant. Ils vont arriver en 862 à MESSAY, une de leurs possessions. Ils vont y rester 9 ans. La communauté des moines de SAINT-PHILBERT ne se sent toujours pas en sûreté définitive, et les incursions normandes commencent à rendre le séjour en Poitou intenable. Aussi, toujours dans l'espoir d'un refuge stable, l'Abbé GEILON, qui dirige alors la communauté, donne l'ordre à ses religieux de se remettre, une 4ème fois, en route d'exil, toujours accompagnés des reliques de leur fondateur SAINT PHILBERT. Ils aboutissent cette fois en Auvergne, à l'abbaye de SAINT-POURCAIN- SUR­SIOULE, en 871. Ils sont désormais à l'abri des invasions Barbares. Cependant, ils n'y resteront que peu de temps. L'Abbé GEILON, en effet, avait de grandes ambitions pour sa communauté. C'est pourquoi il se fait concéder, par Charles-le-Chauve, le 19 mars 875, le territoire de TOURNUS. Le Roi, " donne à perpétuité à la Sainte Vierge, à Saint Filibert, illustre confesseur du Christ, comme aussi à l'Abbé GEILON et à sa congrégation errante ... l'abbaye de Saint Valérien, le château de Tournus, la ville de Tournus, avec tous ses habitants et tout ce qui en dépend ... ". Aussitôt les moines prirent possession de leur nouveau domaine, le 14 mai 875 et y déposèrent définitivement les précieuses reliques de SAINT-PHILBERT, elles sont toujours. L'exode aura duré près de 40 ans.