Catherine du Puy du Fou reçoit François 1er.
La lumière du soir pénètre à flots dans la chambre.
Par
la
fenêtre,
Catherine
contemple
la
paix
fleurie
du
jardin,
la
terrasse
rouge
le
long
de
l'étang...
Dehors règne le printemps, son dernier printemps...
Dans son âme, dans son corps, règne l'hiver...
Son entourage a beau lui mentir, elle sait bien qu'elle vit les dernières saisons de son existence.
Avant
que
les
portes
de
la
"Nuit"
ne
se
referment
sur
elle,
elle
feuillette
une
dernière
fois
le
grand livre de ses Souvenirs.
Elle
revoit
ce
jour
radieux
de
l'an
de
grâce
1527,
où,
toute
jeune
fille,
elle
épousa
François
II
du
Puy du Fou.
Elle se rappelle son émotion, son angoisse même...
Il
lui
fallait
quitter
la
douceur
rassurante
d'un
foyer,
la
protection
affectueuse
de
parents
attentifs pour s'en aller partager la vie d'un inconnu...
Si vieux déjà...
Il avait plus de trente ans... !
Elle sourit en évoquant ces puériles inquiétudes.
Comment avait-elle pu craindre François ?
François, si attentionné...
François,
vingt
ans
d'une
vie
pleine
et
intense
:
des
enfants,
des
voyages,
un
château,
"son"
château... des visites prestigieuses...
Comme celle du "Roi François 1er revenant de Bayonne passer la nuit au Puy du Fou".
Comme il est encore vivant devant ses yeux, le roi François...
Un géant à la carrure imposante...
Un homme séduisant...
Des yeux sombres et vifs, des mains admirables, un sourire à faire chavirer les cœurs.
D'ailleurs, elle avait entendu dire que plus d'une belle avait cédé au charme de Sa Majesté...
Mais elle était une épouse fidèle et ne pensait qu'à ses devoirs d'hôtesse.
Elle
voulait
que
le
Roi
se
souvînt
de
sa
visite
au
Puy
du
Fou,
qu'il
appréciât
l'hospitalité
de
son
ancien compagnon d'armes en Italie.
Catherine avait voulu fêter somptueusement la venue du roi François et de la reine Éléonore.
Des jours et des jours de fébriles préparatifs !
Le château était décoré de fleurs, le sol était jonché de feuilles fraîches en signe de bienvenue.
Dans la cour d'honneur, les oriflammes ornées de salamandres, claquaient au vent d'été.
Soudain,
entre
une
double
haie
de
paysans
qui
manifestaient
une
joie
exubérante,
le
carrosse
royal s'était avancé, lentement tiré par six chevaux empanachés.
Catherine, trop émue, n'était plus elle-même.
Comme dans un rêve, elle avait vu descendre le couple royal qu'elle avait salué...
Le Roi qui la relevait, la complimentait sur sa jeunesse et sa beauté...
Puis
leurs
Majestés
avaient
pénétré
dans
la
grande
Salle
pour
participer
au
festin,
qu'en
bonne
maîtresse de maison, elle avait minutieusement ordonné.
Après
que
chacun
se
fut
rafraîchi
les
mains
dans
un
bassin
d'eau
parfumée,
serviteurs
et
servantes
avaient
présenté
aux
yeux
et
aux
estomacs
émerveillés
des
convives
:
des
pigeonneaux, des faisans, des poulets aux vinaigres, des lapereaux, des tourterelles, des pâtés de
cailles...
Comme entremets, des Bohémiens avaient donné un combat de coqs...
Spectacle que n'appréciait guère Catherine, mais que Sa Majesté prisait fort...
Ensuite des ours avaient dansé...
Puis
le
second
service
s'était
avancé
:
des
gâteaux
découpés
en
fleurs
de
lys,
des
pains
de
Milan,
des
fromages,
des
tartes,
des
plats
de
gaufres,
des
confitures,
des
gelées,
des
dragées,
des
fruits...
Le
repas
terminé,
des
joueurs
de
buccins
et
de
flûtiaux
avaient
escorté
toute
l'assemblée
vers
l'étang où les équipages de deux barcasses s'étaient affrontés en une joute colorée.
Le
Roi,
visiblement
enchanté,
avait
ri,
avait
applaudi
à
tout
rompre,
avait
même
invité
Catherine et François à se rendre à Fontainebleau...
Catherine ressent encore la joie et la fierté qui l'inondèrent en ce jour de juillet 1530...
Mais elle se sent lasse, soudain...
Il faut qu'elle laisse sa mémoire en repos...
Elle rouvrira son grand livre des Souvenirs...
Plus tard...
Beaucoup plus tard...