Un
art
magnifique
tout
empreint
de
délicatesse,
de
précision,
et
de
couleurs,
réalisé
en
petit
format
qui
connut
son
apogée
à
l'époque
gothique
grâce
au
financement de quelques mécènes.
La
technique
de
cet
art
va
évoluer
au
cours
des
siècles
suivant
des
influences
différentes
dues
aux
artistes
qui
circulaient
librement
dans
l'Europe
chrétienne
et
qui
dans
tous
les
domaines
de
l'art
réalisèrent
des
chefs
d'œuvre que l'on admire encore.
Nous
n'aborderons
pas
ici
l'enluminure
ottonienne,
ni
l'enluminure
mozarabe
qui
eurent
peu
d'influence
sur
l'enluminure
française
qui
à
elle
seule nous laisse un aperçu extraordinaire de sa production.
Au
Moyen
Age,
les
peintures
ornant
les
manuscrits
sont
appelées
miniatures,
car
pour
les
réaliser,
on
utilisait
une
poudre
rouge,
le
minium,
qui
servait
à
cerner
les
contours
du
dessin.
Le
terme
enluminure
créé
au
début
du
XIIIème
siècle
est
tiré
du
latin
illuminare qui veut dire donner la lumière.
En
effet,
l'or
et
l'argent
employés
dans
les
manuscrits
réfléchissent
la
lumière
et
donnent tout son éclat au document.
Plus
symboliquement,
l'enluminure
a
pour
but
d'éclairer
le
texte
en
représentant certaines scènes décrites.
Si
l'enluminure
voit
son
apogée
au
XIIIème
siècle
puis
au
XVème
siècle,
ses
origines difficiles à établir exactement remontent au début de notre ère.
Dans
I'
Antiquité,
une
grande
partie
de
la
littérature
romaine
fut
consignée
sur
des rouleaux.
Le
papyrus,
bon
support
pour
l'image
et
le
texte,
mais
trop
fragile
est
remplacé progressivement par le parchemin (peau de mouton travaillée).
Au
IIIème
siècle,
le
rouleau
cède
la
place
au
codex
(livre),
les
feuilles
plates
du
parchemin
rendent
l'utilisation
du
codex
plus
pratique,
on
tourne
les
pages séparées, lues, l'une après l'autre.
Il
est
difficile
de
considérer
ce
qu'il
nous
reste
des
manuscrits
témoins
du
passage
de
l'Antiquité
à
l'ère
chrétienne
(du
IVème
au
VIIème
siècle),
la
plupart
des
documents
ayant
disparu
dans
les
incendies
des
abbayes
lors
des
pillages par les hordes barbares.
Il n'est donc pas aisé de définir le début réel du livre enluminé.
Le "Calendrier de Filalcona" en 354 serait le plus ancien codex enluminé.
On
distingue
plusieurs
époques
qui
vont
du
balbutiement
à
l'épanouissement
de
cet
art
merveilleux,
des
premières
lettrines
celtes
aux
grandes
miniatures
gothiques.
L'ENLUMINURE PRE-ROMANE.
L'enluminure
pré-romane
se
divise
en
une
suite
de
périodes
aisées
à
délimiter,
se
référant
chacune
à
des
modèles
d'esthétiques
différents.
Deux
principaux
courants
influencèrent
l'enluminure
française
de
la
période
romane.
1. Anglo-Saxon
Aux
VII
et
VIII
siècles,
l'art
du
livre
atteint
un
développement
imposé
par
la
multiplication
des
fondations
monastiques,
les
grands
"scriptoria"
eurent
à
fournir quantité de copies de la Bible et surtout des Evangiles.
L'Angleterre
et
l'Irlande
n'ont
jamais
véritablement
été
submergées
par
les
invasions barbares.
Pendant
que
des
tribus
ravagent
l'Europe
du
VII'
siècle,
les
moines
du
Northumberland
produisent
des
œuvres
d'une
grande
sophistication
où
s'épanouit
un
décoratif
fondé
sur
de
savantes
combinaisons
d'entrelacs
et
d'animaux fabuleux.
La
Grande
Bretagne
produisit
deux
des
plus
grandes
œuvres
d'art
du
monde
:
"Les Evangiles de Lindisfarne" et "Le Livre de Kells".
2)
Carolingien
:
Charlemagne
et
ses
collaborateurs
donnent
au
livre
la
place
la
plus
importante
qui
soit.
L'écriture
connaît
un
important
changement
par
la
généralisation
à
partir
du
IX
siècle
de
la
minuscule
dite
Caroline
(parce
qu'imposée par Charlemagne).
L'Evangéliaire
de
Godescal,
commandé
par
Charlemagne
à
l'occasion
du
baptême
à
Rome
de
son
fils
Pépin
et
exécuté
entre
781
et
783,
est
le
plus
ancien
manuscrit de l'école palatine d'Aix-la-Chapelle.
Il
est
écrit
avec
la
nouvelle
minuscule,
en
lettres
d'or
et
d'argent
sur
un
parchemin pourpre.
L'ENLUMINURE ROMANE DES XI ET XII SIÈCLES
La
période
romane
en
France,
dans
tous
les
domaines
artistiques,
couvre
les
XI
et XII siècles.
Pendant ces deux siècles, l'enluminure va se développer considérablement.
Les
ouvrages
ne
seront
plus
seulement
objets
de
culte
à
caractère
sacral,
mais
aussi outils de travail et d'étude.
On
copie
de
plus
en
plus
les
écrits
des
auteurs
antiques,
des
ouvrages
juridiques, géographiques, de médecine, etc.
Au
début
du
XI
siècle,
les
moines
bénédictins
tiennent
la
quasi
exclusivité
de
la
réalisation des manuscrits.
Constatant
la
pauvreté
artistique
de
la
décoration
des
livres
et
à
l'instigation
d'Hildebrand
(futur
Pape
Grégoire
VII),
son
ami
Désidérius
(futur
Pape
Victor
III),
abbé
du
Mont
Cassin
décide
d'aller
à
Byzance,
en
1065,
à
projet
d'en
ramener
des
artistes
afin
de
décorer
les
deux
grands
berceaux
bénédictins,
Le
Mont Cas¬sin et Subiaco.
Ces artistes établissent aussi des écoles artistiques dans divers monastères.
Leur
influence
fut
immédiatement
sensible
dans
les
manuscrits
de
l'époque,
perpétuant
un
imposant
et
rigide,
très
riche
par
les
fonds
dorés,
les
corps
plats
sans volume, cernés d'un contour noir.
L'art
des
manuscrits
romans
est
presque
exclusivement
monastique,
c'est
pourquoi
la
décoration
des
codex
portait
l'empreinte
des
traditions
d'un
ordre,
d'une abbaye, des goûts d'un supérieur.
L'activité créatrice des abbayes est dépendante des abbés qui les dirigent.
Citeaux,
par
exemple,
nous
offre
de
beaux
manuscrits
enluminés
dont
la
majorité
est
toutefois
sans
or
et
sans
image,
conformément
à
l'idéal
ascétique
de l'ordre cistercien voulu par Saint Bernard.
La miniature romane est un art ornemental, autant qu'un art d'illustration.
La lettre ornée et la lettrine y tiennent une très grande place.
La
grande
fantaisie
romane
fait
se
côtoyer
des
créations
tantôt
drolatiques,
tantôt
effrayantes
:
gnomes,
dragons,
animaux
acrobates
prennent
place
dans
la
lettrine
ou
dans
les
rinceaux
(ornements
à
motif
de
tiges
stylisées)
qui la prolongent.
Les
manuscrits
les
plus
typiques
de
ces
deux
siècles
sont
"La
Bible
de
Souvigny" et "Le Psautier de Winchester".
Pendant
la
période
romane,
l'enluminure
n'est
presque
jamais
mise
au
service
des
empereurs
ou
des
rois,
car
la
majorité
des
livres
fabriqués
en
Europe, l'était dans les monastères.
Depuis
le
Haut
Moyen
Age
jusqu'au
XII
siècle,
la
transmission
de
la
culture
et
donc
la
production
des
manuscrits
avait
été
un
monopole
du
clergé,
les
centres
en
étaient
les
monastères
et
les
écoles
capitulaires
auprès
desquelles
fonctionnaient des ateliers de copie, les scriptoria.
Le
phénomène
qui
marqua
la
fin
du
monopole
des
moines
sur
la
culture
fut
le développement des universités.
A
partir
du
XII
siècle,
les
étudiants
vont
se
regrouper
sous
l'égide
de
maîtres
dans
des
centres
d'enseignement,
origine
des
universités
dont
l'importance
entraîne
au
siècle
suivant
la
mise
en
place
de
nouvelles
structures
de
production du livre.
Un
nouveau
personnage
apparaît,
"le
libraire",
autour
duquel
se
regroupe
les
parcheminiers,
écrivains
(copistes)
et
enlumineurs,
métiers
exercés
dorénavant par des professionnels laïcs.
C'est
en
France,
à
Saint-Denis,
qu'avec
le
concours
de
l'abbé
Suger
(1081-
1151) fut formulée la conception d'un art nouveau : L'art gothique.
La
taille
du
livre
se
réduit
et
la
miniature
devient
l'enrichissement
d'un
texte
écrit.
Ce
que
les
bibles
ont
été
pour
la
miniature
romane,
les
psautiers
le
sont
pour
la
miniature
gothique,
premiers
livres
liturgiques
destinés
à
être
placés
entre
les mains des profanes, ancêtres du livre d'Heures.
On
y
trouve
deux
types
de
miniatures
:
l'un
fragmente
les
pages
de
cadres
géométriques où sont insérées des scènes comme dans des vitraux.
Fonds peints à l'or ou de couleurs vives comme est réalisé "Le Psautier d'lngeburge" réalisé avant 1205.
L'autre
type
de
miniature,
comme
"Le
Psautier
de
Saint
Louis"
fait
figurer
l'enluminure dans un cadre avec un fond architectural.
Au
XIV
siècle,
les
livres
enluminés
sont
exécutés
pour
l'aristocratie,
le
clergé,
la
bourgeoisie et deviennent de véritables objets de luxe.
La
miniature
est
réalisée
pour
le
lecteur
du
livre,
elle
est
donc
destinée
à
l'élite
intellectuelle de la société.
Quand
le
lieu
de
fabrication
des
codex
se
déplaça
des
monastères
aux
ateliers
laïcs des villes, la spécialisation s'affirma.
La
répartition
du
décor
d'un
manuscrit
n'était
pas
laissée
à
la
fantaisie
de
l'artiste.
Le décor se faisait à des emplacements laissés vierges par le copiste.
L'emplacement
et
les
scènes
à
illustrer
étaient
indiqués
par
le
concepteur
du
livre, souvent le libraire, l'auteur du texte ou même le commanditaire.
Les enlumineurs réalisaient l'une après l'autre les différentes étapes.
Rehausser le dessin à la mine de plomb, appliquer la dorure, mettre la couleur.
Pendant
tout
le
XIV
siècle,
Paris
reste
le
grand
centre
artistique
dont
l'influence
dominera les autres pays européens.
Mais
la
défaite
d'
Azincourt
en
1415
et
le
traité
de
Troyes
en
1420
vont
mettre
fin à la primauté parisienne.
L'art officiel se déplace avec le centre politique à Bourges, Tours, etc.
Le
mécénat
de
Charles
V
(1338-1380)
et
de
ses
frères
favorise
les
différents
domaines
artistiques
;
l'un
deux,
Louis
1er
d'Anjou
(1339-1384)
fit
réaliser
la
célèbre "Tapisserie de I' Apocalypse", aujourd'hui au château d'Angers.
Jean
de
Berry
(1340-1416),
autre
frère
de
Charles
V,
prit
à
son
service
en
1409,
les trois frères Limbourg.
Ils
réalisent
vers
1416
la
majeure
partie
du
plus
célèbre
des
manuscrits
enluminés
"Les
Très
Riches
Heures
du
Duc
de
Berry"
où
l'enluminure
atteint
son
apogée,
manuscrit
qui
sera
terminé
70
ans
plus
tard
par
Jean
Colombe
pour
le Duc de Savoie, descendant de Jean de Berry.
Jean
Colombe
(1430-1493)
est
à
l'origine
du
maniérisme
français
qui
se
perpétuera jusqu'au cœur du XVIII siècle.
L'influence
italienne
y
est
visible
dans
le
décor
à
l'antique,
l'encadrement
et
la
conception
même
de
l'espace
dans
le
tableau,
par
l'allongement
des
proportions
et l'adoucissement des formes.
Celui qui restera le plus renommé des artistes enlumineurs est le "Maître de Tours", Jean Fouquet (1420-1481).
Influencé par un séjour en Italie, Fouquet va s'inspirer du antique.
C'est lui qui importe en France la science de la perspective.
Il a le goût du réel, de l'image exacte, du détail précis. Son activité se partage entre trois villes : Bourges, Angers et Tours.
A la fois enlumineur et peintre, il exercera son activité pendant 32 ans.
Un des seuls enlumineurs qui a la possibilité de laisser libre cours à son imagination, il conçoit et réalise intégralement ses œuvres.
Dans
les
"Grandes
Chroniques
de
France",
il
représente
le
couronnement
de
Charlemagne
à
Rome,
en
reproduisant
l'ancienne
basilique
Vaticane
qu'il
avait
eu
l'occasion
de
visiter
durant
son
séjour
italien
et
qui
allait
être
abattue
par
la
suite
pour
laisser
place
à
la
basilique
Saint-Pierre
du
XVI' siècle.
L'un de ses élèves, Bourichon (xxxx–1521) , va jouir d'une notoriété sans précédent.
Il fut le peintre en titre de quatre rois : Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François ler.
Il exécutera "Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne" où il utilise la feuille d'or à profusion.
Il représente l'art officiel, un art sage et sans originalité particulière.
Il meurt en 1521 marquant le début du déclin de l'enluminure.
L'imprimerie est introduite en France vers 1470.
Vers 1510, la majorité des livres est imprimée.
Cette invention marque la fin de la production des manuscrits enluminés et coïncide avec la fin de l'époque médiévale.
Durant
quelques
décennies,
les
enlumineurs
réaliseront
des
incunables,
éditions
dont
le
texte
est
imprimé
sur
parchemin,
puis
enluminé
à
la
main
pour se rapprocher du manuscrit.
Les
scribes
ne
furent
pas
tous
mécontents
de
l'invention
de
l'imprimerie
et
certains
devinrent
eux-mêmes
imprimeurs,
faisant
ce
qu'ils
avaient
toujours
fait mais plus efficacement.
La production des livres étant un processus avant tout pratique.
Concurrencée
sur
le
plan
économique
par
l'imprimerie,
victime
sur
le
plan
artistique
de
la
confusion
avec
le
tableau
que
les
enlumineurs
ont
eux-mêmes
créée,
estimée
trop
coûteuse
pour
un
plaisir
personnel,
l'enluminure
ne
va
pas tarder à s'éteindre.
Elle
tente
de
survivre
jusqu'à
la
fin
du
XVI
siècle
où
elle
laissera
définitivement la place à la gravure et aux tableaux de chevalet.
Les
enluminures
de
cet
art
disparu
ne
peuvent
être
contemplées
que
dans
certaines bibliothèques publiques ou privées.
Le
profane
peut
être
surpris
de
constater
que
les
couleurs
n'ont
rien
perdu
de
leur
luminosité
depuis
leur
création
qui
date
de
plusieurs
siècles
(les
plus
récentes ont près de 500 ans et les plus anciennes 1500 ans).
En
effet
les
couleurs
employées
étaient
à
base
de
pigments
naturels,
de
pierres
précieuses,
de
sucs
de
fleurs,
de
broyage
de
plantes,
de
charbon
de
bois, etc.
Avec quelques secrets de fabrication les enluminures ont pu défier les siècles et arriver jusqu'au XXI siècle sans altération majeure.
On
ne
peut
que
souhaiter
raviver
cet
art,
le
faire
connaître,
l'enseigner
grâce
à
la
générosité
de
nouveaux
mécènes
par
le
biais
de
Fondations
ou
autres
organismes
pour
essayer
de
transmettre
aux
générations
futures
ce
qui
fut
le
"Vrai
et
le
Beau"
d'une
grande
époque
de
la
Civilisation
Française.