Dès
le
1er
siècle,
la
présence
romaine
crée,
dans
les
campagnes
gauloises,
une
forme
nouvelle
d'exploitation
et
d'habitation
rurales
:
les
"Villae",
vastes
fermes
fonctionnelles,
à
l'origine
d'un
grand
nombre
de
nos
bourgs
et
de nos villages.
La conquête et la pacification achevées, les Romains "colonisent la Gaule".
Des
villes
nouvelles
apparaissent
et
les
campagnes
voient
s'édifier,
au
milieu
de
champs
et
de
forêts,
de
vastes
domaines
comprenant
la
demeure
du
maître,
souvent
luxueuse,
des
bâtiments
agricoles
et
des
logements
pour la main-d'œuvre.
Ces
immenses
fermes,
les
"Villae"
appartiennent
le
plus
souvent
à
des
vétérans,
des
légionnaires
qui,
après
quinze ou vingt ans de "bons et loyaux services", reçoivent, en récompense, des terres dans les pays conquis.
Pour
exploiter
sa
villa,
qui
vit
en
autarcie
et
qui
doit
produire
tout
ce
qui
lui
est
nécessaire,
le
maître
a
besoin
d'une abondante main-d'œuvre.
Le "gros des troupes" est constitué par les ouvriers agricoles.
Si
certains
sont
des
hommes
libres,
des
tenanciers,
qui
louent
des
parcelles
aux
limites
du
domaine,
la
plupart
des travailleurs ruraux sont des esclaves dont la vie a peu de valeur.
En
effet,
ces
hommes
sont
des
prisonniers
de
guerre
et
les
incessantes
conquêtes
militaires
de Rome alimentent le marché.
Les
propriétaires
trouvent
sans
difficulté
et
à
des
prix
dérisoires,
des
"bras"
vigoureux,
capables
de
fournir
une
énergie
musculaire
moins coûteuse que celle des animaux.
Travaillant
du
matin
au
soir,
mal
nourris,
enchaînés
pour
la
nuit,
ces
individus
brisés
sont
considérés
comme
des
"instruments
animés".
Les artisans, quant à eux, sont appréciés et respectés pour leur savoir-faire.
La
villa
abrite
tous
les
corps
de
métiers
:
les
boulangers,
les
charpentiers,
les
menuisiers,
fabricants
de
coffres,
de tabourets, d'ustensiles ménagers.
Les
forgerons
confectionnent
des
socs,
des
houes,
des
pioches,
les
charrons,
des
charrues,
des
roues,
des
socs,
les vanniers, des paniers, des ruches ou des coffres de chars.
On rencontre aussi des maçons, des marbriers et des potiers qui pétrissent, à la main, l'argile verte.
Cordonniers,
peaussiers,
selliers
travaillent
le
cuir
et
fournissent
les
chaussures,
les
harnais,
les
outres,
les
tabliers, les ceintures.
Les
tisserands
filent
et
tissent
la
laine
des
moutons
après
qu'elle
ait
été
bouillie
dans
l'eau
et
la
graisse
de
porc
puis, battue, épluchée à la main et cardée avec des peignes aux dents recourbées.
Avant le tissage, les laines sont teintes, selon le goût de l'époque, de couleurs éclatantes à base de végétaux.
L'airelle pour le violet, la jacinthe pour la pourpre, le pastel pour le bleu, le safran pour le jaune.
Tous les besoins de la villa sont satisfaits par ses productions.
Pour se nourrir, on cultive des céréales.
Le
froment
pour
le
pain
blanc
du
maître,
le
méteil
pour
celui
des
domestiques,
l'orge
pour
la
cervoise,
l'avoine
pour les bouillies et la nourriture des chevaux.
Dans les potagers, on trouve les fèves, les lentilles, les choux, les oignons, les laitues.
Les vergers offrent des cerises, des pommes, des poires, des prunes, des noix.
On n'oublie pas de se désaltérer, on est en Gaule après tout !
Certes,
on
boit
de
la
cervoise,
de
l'hydromel,
mais
aussi
du
vin,
capiteux,
parfumé
que
l'on
garde
bien
précieusement dans des tonneaux de châtaignier.
On mange aussi toutes sortes de viandes.
De la volaille, du bœuf, du mouton, mais surtout du porc.
Les Gaulois sont les rois incontestés de la charcuterie (pâtés, boudins, saucisses).
Les chèvres, dont on favorise la lactation en leur faisant manger du cytise, fournissent de bons fromages.
Les abeilles donnent leur miel.
Dans certaines "villae", on pratique aussi la pisciculture.
Malgré le coût de l'installation et de l'entretien des viviers, on élève de nombreux poissons.
Le plat de prédilection est la murène, servie grillée, bouillie ou frite, accompagnée de sauces relevées à base de miel, de poivre, de cumin, de coriandre.
Pour que leurs terres produisent davantage, les Gallo-Romains utilisent des méthodes "modernes".
Ils utilisent déjà des engrais comme le nitre, ils engraissent la terre par la terre.
Dans un sol calcaire ou trop sableux, ils apportent de la marne.
Quand les sols sont trop humides, ils ajoutent du calcaire.
L'outillage aussi est performant.
Faux,
plus
pratique
que
la
faucille,
fléau
articulé,
charrue
à
soc
de
fer
ou
de
bronze
et
surtout
la
fameuse
moissonneuse
à
roues,
une
grande
caisse
aux
bords
garnis
de
dents,
poussée
par
un
mulet,
si
bien
que
les
épis
arrachés par les dents, tombent dans la caisse.
Les forêts étaient aussi des réservoirs de nourriture.
On
y
piégeait
des
lapins
et
des
perdrix
au
collet,
on
y
engraissait
les
porcs
avec
les
glands,
on
y
cueillait
des
noisettes, des champignons, des nèfles, des prunelles, des châtaignes.
On
y
chassait
aussi
les
biches,
les
cerfs,
les
chevreuils,
les
sangliers
pour
la
viande
;
les
martres,
les
écureuils
pour la fourrure.
La demeure seigneuriale était dotée de tout le confort.
Le chauffage central, l'air brûlant circulait sous les planchers et derrière les parements des murs.
L'eau courante aussi, grâce à une grande roue élévatrice qui montait l'eau de la rivière.
Les matériaux utilisés pour les aménagements intérieurs étaient luxueux et coûteux.
Mais
cette
recherche
permanente
du
luxe,
de
la
douceur
de
vivre
fera
que
le
terme
"Villae"
se
videra,
peu
à
peu de son sens originel.
Il
ne
désignera
plus
une
exploitation
agricole,
mais
une
résidence
secondaire,
"une
maison
des
champs"
construite par des citadins aisés, avides de calme et d'air pur...
Les "Villae" ne durèrent que le temps de la "
Pax Romana
".
La "Villae", la "ferme", ne renaîtra qu'aux 8 et 9ème siècles, à l'époque carolingienne.
Sous
la
pression
des
envahisseurs
normands
et
hongrois,
les
habitants
des
campagnes
vont
se
regrouper
pour
mieux se protéger.
La construction sera bien différente de celle de la villa gallo-romaine.
Certes,
on
retrouvera
le
même
souci
de
vivre
en
autonomie
et
de
pourvoir
à
tous
ses
besoins,
mais
plus
d'ouvertures sur la nature.
On dresse des palissades, des tours de guet.
On élèvera même des mottes féodales, ancêtres de nos châteaux forts.